Préconisations sur le DPANI : Vers un élargissement du dépistage de la trisomie 21 ? (1/2)

Publié le 6 Juil, 2015

Le DPANI, technique de dépistage de la trisomie 21 introduite sur le marché mondial en 2011(cf. Gènéthique 1er novembre 2012), n’a pas encore trouvé sa place dans la politique de santé française, malgré la ferme volonté des institutionnels et des scientifiques.

 

La lettre du gynécologue un dossier à ce sujet dans son dernier numéro. Yves Villes et Laurent Salomon, promoteurs du DPANI à l’origine d’une étude sur ce test à l’hôpital Necker, appellent curieusement à la prudence et à « une appropriation non complaisante du DPNI face à l’offensive commerciale ». Cependant, alors qu’ils mettent en gardent contre les enjeux commerciaux qui induisent une « pression » et une « urgence » qui n’ont rien de médicalet contre la confusion entre « performance technique et bénéfice clinique », ils préconisent un dépistage toujours plus poussé de la trisomie 21.

 

Bien conscients que le DPANI « modifie totalement notre approche et les performances globales de nos stratégies de dépistage », les auteurs ont souhaité positionner le DPANI dans le dépistage actuel de la trisomie 21 :

 

1. Pour les auteurs, le DPANI n’est pas une bonne alternative au dépistage combiné, l’appliquer à toutes les femmes enceintes serait « illogique » :

 

En termes de performance : il y a aujourd’hui trop d’échecs techniques ou de résultats ininterprétables (1 à 5% des cas selon les différentes études déjà publiées).

En termes de coût : chaque test coûte entre 650 à 1000€, il ne serait pas possible d’en établir le remboursement pour toutes les femmes.

En termes de gestion du délai de rendu des résultats.

Le rapport coût/bénéfice serait économiquement défavorable.

Une affirmation que les auteurs nuancent, considérant qu’« une évaluation plus approfondie des conséquences médicales », pourrait les faire changer d’avis.

 

2. Pour les auteurs, le DPANI n’est pas une bonne alternative à l’amniocentèse :

 

Il ne dépiste pas toutes les anomalies chromosomiques que le caryotype permet de détecter, il est « performant » essentiellement pour la trisomie 21.

Il n’apporte pas de bénéfice chez les femmes à risque élevé, qui devront de toute façon se soumettre à un prélèvement invasif de confirmation : le DPANI est un test de dépistage et non un diagnostic.

Le résultat du DPANI sera plus ou moins fiable en fonction du « risque initial » de la patiente.

Le résultat dépend de la fraction d’ADN fœtal dans l’ADN maternel circulant total qui varie selon les femmes et le moment de la grossesse.

 

3.En revanche, les auteurs préconisent de donner un rôle intermédiaire au DPANI entre le dépistage combiné et l’amniocentèse, dans des conditions précises.

 

 

Avant d’émettre leur préconisation pour intégrer le DPANI dans ce dépistage séquentiel les auteurs énoncent les questions, obstacles et risques d’une intégration non encadrée :

Quel sera le bénéfice réel d’une telle politique en termes de réduction du nombre de fausses couches ?

Quel sera l’impact médico-économique ?

Ce test ne dépistera pas d’autres anomalies chromosomiques parfois vues au caryotype, et impliquera de réaliser des caryotypes « de rattrapage » à des termes « plus délicats ».

Ce test pourra ne pas être concluant.

Des résultats séquentiels « inquiétants » mais non diagnostiqués sont-ils acceptables face « à la réalisation d’un geste invasif apportant une réponse complète et certaine avec un risque de fausse couche d’au maximum 1% » ?

Un résultat négatif de DPANI sera-t-il suffisamment « rassurant » ? N’entrainera t il pas la demande d’un caryotype ultérieur ?

 

Pour parer à ces obstacles, les auteurs préconisent deux conditions cumulatives : appliquer le DPANI à un groupe élargi de femmes à risque dont le fœtus ne présente pas d’anomalie morphologique patente. Ils considèrent ainsi que cela « permettrait probablement un gain de sensibilité ainsi qu’une diminution du nombre de prélèvements invasifs ».

 

Le dépistage de la trisomie 21 avec intégration du DPANI reviendrait à proposer après le dépistage combiné :

Une amniocentèse aux femmes les plus à risque (risque de trisomie 21 supérieur à 1/50)

Un suivi échographique aux femmes les moins à risque (<1/1000)

Le DPANI à un groupe élargi à risque intermédiaire (1/50-1/1000).

 

Ainsi, pour les auteurs, « un DPANI normal rassurera considérablement (il identifie 99% des trisomies 21), d’autant plus si la fraction fœtale était élevée dans l’échantillon ». Il permettrait, dans le cas où il se révèlerait négatif, d’éviter une fausse couche avec l’amniocentèse. Par contre, « il serait sans doute hasardeux de le proposer en dehors de ce contexte, en particulier s’il existe une quelconque anomalie échographique ou une anomalie de distribution des marqueurs sériques ».

 

Les auteurs pensent que « l’ensemble de ces tests pourrait idéalement être réalisé en une seule fois en une dizaine de jours afin d’éviter un rendu séquentiel aux femmes ».

 

Mais ce que les auteurs ne disent pas, c’est que ce nouveau processus impliquerait en réalité de pousser plus loin le dépistage de la trisomie 21. En effet, le seuil  actuel des femmes à risque est de 1/250. Les auteurs proposent de l’élargir à 1/1000. Autant de femmes qui réaliseront un deuxième test de dépistage pour s’assurer de ne pas porter un enfant trisomique 21. Autant d’enjeux économiques satisfaits.

 

Les auteurs posent la question technique : « Jusqu’à quel point pourrons-nous nous contenter d’un résultat de DPANI normal ? » Ne serait-il pas plus juste de poser la question éthique : jusqu’à quel point irons-nous dans la traque d’un enfant potentiellement atteint d’une trisomique 21 ?

 

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