Pr Emmanuel Sapin : « La Constitution doit garantir le respect de la vie »

Publié le 30 Jan, 2023

Alors que la proposition de loi constitutionnelle « visant à protéger et garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse » sera examinée ce mercredi par le Senat, le Pr Emmanuel Sapin, Chef de Service en Chirurgie Pédiatrique et Néonatale au CHU de Dijon, s’alerte des dangers de ce texte et s’oppose à l’introduction d’un « droit à l’avortement » dans la Constitution.

Constitution : ce mot est plus qu’un concept. Est constitutionnel ce sur quoi reposent les valeurs de notre société. Nul ne contestera que l’abolition de l’esclavage, l’exclusion du racisme, l’égalité en droit de l’homme et de la femme s’inscrivent dans ces valeurs constructrices, comme doivent l’être la liberté du culte et celui du choix d’éducation des enfants par leurs parents.

La légalisation de l’IVG a découlé des drames observés au cours d’avortements clandestins ayant entrainé des décès de femmes en détresse, par des défauts d’asepsie et d’hémostase[1]. L’objectif de cette légalisation consistait, initialement, certes à dépénaliser l’avortement, mais également, convenant qu’il s’agissait d’un geste grave, à rechercher et comprendre ce qui poussait ces femmes à prendre de tels risques, afin d’éviter, en amont, que perdurent ces situations. Pratiquer une IVG est arrêter une vie humaine, vie qui est au début de son développement, à un stade où, s’il ne ressemble pas encore au nouveau-né, l’embryon puis le fœtus est déjà un être humain vivant. L’IVG ne doit pas être un droit, comme quelque chose que l’on revendique, même si elle est devenue un recours autorisé par la loi en situation de gravité.

« Dès ses premiers stades de développement, existe un être vivant »

Sans doute dans le but de ne pas culpabiliser les femmes qui y ont recours, on a perdu de vue la réalité de l’acte posé : l’arrêt d’une vie humaine. On peut comprendre que la majorité des personnes soit davantage sensible à la détresse d’une femme qu’à la vie d’un embryon qu’on ne connaît pas et ne voit pas. Or, les progrès réalisés en imagerie embryo-foetale et dans les études anténatales permettent d’affirmer que, dès ses premiers stades de développement, existe un être vivant. Le scientifique que je suis peut affirmer qu’un embryon n’est pas réduit à un amas de cellules informes. Il n’est pas un organe du corps de la femme qui le porte, et même le placenta qui le nourrit se constitue, dans l’utérus maternel, à partir des cellules de l’embryon. Son développement se fera à partir de son propre programme, unique, sous l’influence de ce qui l’entoure, en tout premier lieu de la femme qui le porte, somme toute comme chacune et chacun d’entre nous se construit après la naissance sous l’influence du milieu extérieur, des circonstances de la vie. A 10 semaines, il a déjà une forme humaine au point que l’on ne peut le confondre avec un fœtus d’une autre espèce. Il faut se demander pourquoi il est si difficile, voire impossible, de montrer dans les média une photo (échographie ou IRM) d’un jeune fœtus humain ? Etant médecin, chirurgien, je veux savoir, connaître : je ne prends aucune décision pour mes patients sans savoir. Nous sommes responsables de tout acte que nous faisons, de tout choix que nous posons. Comment se fait-il que la femme ou le couple qui demande une IVG ne soit pas informé de la réalité de l’être dont la vie va être interrompue ?

« L’attention au plus faible est à la base de toute société vraiment humaine »

Dans les années 1950, les risques vitaux d’une anesthésie générale chez le nourrisson faisaient recourir, lorsque la situation l’exigeait, à des gestes chirurgicaux sans anesthésie générale, considérant qu’à cet âge, il ne ressentait pas la souffrance. On sait depuis plus de 30 ans qu’un fœtus ressent la douleur. Les observations comportementales ante- et post-natales montrent qu’une douleur perçue par le fœtus, au même titre que d’autres évènements, se gravera dans sa mémoire et influera sur son comportement ultérieur d’enfant et d’adulte. Oui, la vie individuelle d’un être humain commence avant la naissance.

Je peux et dois, comme tout scientifique spécialisé en embryologie et génétique, affirmer qu’un embryon, un fœtus, est un être humain vivant. L’IVG, qu’elle soit chimique ou physique, reste un drame qui ne peut être inclus dans les principes d’humanité qui définissent le bien et constituent le socle sur lequel est construite notre Société.

En respectant la nature, la Constitution se doit de garantir le respect de la vie, même dans sa petitesse et sa fragilité. L’attention au plus faible est à la base de toute société vraiment humaine.

 

[1] L’asepsie vise à empêcher l’introduction de microbes dans l’organisme. L’hémostase regroupe l’ensemble des phénomènes physiologiques qui permettent l’arrêt du saignement en cas de blessure, de choc ou d’intervention chirurgicale.

Photo : iStock

Emmanuel Sapin

Emmanuel Sapin

Expert

Chef de Service en Chirurgie Pédiatrique et Néonatale au CHU de Dijon, et professeur en chirurgie infantile et néonatale à Paris, Emmanuel Sapin a effectué en 1991 à l'Hôpital Saint Vincent de Paul, à Paris, avec Frédéric Bargy et Yann Rouquet, la première opération in utero sur un fœtus avec succès pour une hernie diaphragmatique avec foie intra-thoracique. Il s'agit, dans cette forme particulièrement grave, d'une première mondiale, car la seule équipe au monde ayant, précurseur, fait de la chirurgie fœtale alors était à San Francisco aux USA (équipe du Pr Mickael Harrison). Mais aucun fœtus porteur d'une hernie diaphragmatique avec foie intra-thoracique n'avait survécu auparavant. En 2010, le Collège National de Chirurgie Pédiatrique publie son ouvrage "Malformation Congénitales de la Paroi Abdominale de Diagnostic Anténatal".

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