A 16 heures lundi après midi, les députés ont entrepris l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie. Le texte ayant été rejeté au Sénat en juin (cf. Gènéthique du 23 juin 2015), ils reprenaient l’examen du texte voté en première lecture au mois de mars (cf. Gènéthique du 14 mars 2015). Une certaine lassitude se fait sentir : le dynamisme attendu sur un tel sujet de société n’est pas au rendez vous et Marisol Touraine a ouvert la séance devant un hémicycle vide qui comptait à peine une vingtaine de députés.
380 amendements ont été déposés, principalement par les Républicains, qui comptaient limiter les dérives euthanasiques. Quelques autres, proposés par la gauche, manifestaient une volonté d’aller « plus loin » (ou « plus bas » selon l’expression de Jean Frédéric Poisson) et de légaliser l’« aide médicale au suicide assisté ».
Jean Leonetti annonce une discussion possible en commission mixte paritaire pour arriver à un texte consensuel…
Gardant la même position qu’en Commission la semaine dernière (cf. Gènéthique du 30 septembre 2015), Jean Leonetti explique qu’il souhaite « garder la base » de la PPL intacte, pour « permettre au Sénat de donner ensuite son avis ». Il annonce qu’une fois la lecture du Sénat passée, il acceptera avec son co-rapporteur, Alain Caleys, des modifications éventuelles en commission mixte paritaire pour trouver « un concenssus » sur le texte. Fidèle à son annonce, il restera figé avec Alain Claeys et Marisol Touraine dans une position de rejet systématique des amendements proposés. Même les moindres modifications de termes seront refusées. C’est à peine si les rapporteurs et le gouvernement se donnent la peine de justifier leurs avis défavorables sur les amendements défendus vaillamment par Xavier Breton, Jean Frédéric Poisson, Gilles Lurton, Dino Cinieri, Jacques Bompard, et Marion Maréchal Le Pen.
…Mais il considère que toutes les modifications de la PPL “détricoteraient la loi de 2005“
Contraint toutefois par les demandes répétées des Républicains de se justifier, Jean Leonetti prendra la parole plusieurs fois pour défendre un texte qu’il estime « équilibré », accusant les amendements de la droite de revenir sur la loi de 2005, votée à l’unanimité. Et si des failles de cette loi persistaient poursuit-il, comme on a pu le voir dans l’affaire Vincent Lambert, la réponse est désormais donnée par le Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme. A plusieurs reprises, il justifie donc l’assise des points clés de la proposition de loi (hydratation/alimentation sont des traitements, droit à la sédation profonde et continue…) par les textes existants au premier rang desquels la loi de 2005 et les recommandations de bonnes pratiques de la société de soins palliatifs (SFAP)…
Face à cet argumentaire affirmé sans volonté de débattre, on ne peut que s’interroger : quelles pourront être les modifications acceptées en Commission mixte paritaire ?
Les députés opposés au texte appellent la Ministre et les rapporteurs à prendre conscience des réalités
Après quelques heures de débat, Jean-Christophe Fromantin interpelle la Ministre et les rapporteurs sur les réalités de la fin de vie en France dont la proposition de loi ne tient pas compte. Isabelle le Callennec insiste, par exemple, sur le manque constant de soins palliatifs, quand Jean-Frédéric Poisson évoque le danger de la mise en œuvre de cette PPL sur le terrain qui conduira immanquablement, dans la pratique, à des gestes euthanasiques. René Gérard Schwarzenberg revient à la charge, comme en 1ère lecture, pour rappeler combien l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation donne lieu à un décès pénible. Enfin Véronique Massonneau alerte sur les conflits familiaux, comme c’est le cas pour Vincent Lambert, que la PPL ne résout pas. Elle proposera d’intégrer une médiation si l’arrêt des traitements crée un conflit.
Mais même ces demandes transpartisanes sont balayées sans réelles justifications.
Résultat de la discussion : un amendement adopté, les craintes de dérives euthanasiques confortées
Au terme de sept heures de discussion, aucun amendement n’a été adopté sur les huit premiers articles du texte, à l’exception d’un amendement du député Gérard Sebaoun qui concerne le modèle de rédaction des directives anticipées. La sédation profonde et continue jusqu’au décès (art.3), le caractère contraignant des directives anticipées (art.8), les deux points les plus controversés du texte, ont été approuvé sans modification.
Obtenir le plus large consensus, calmer les tensions sur un texte qui déchaine les passions, tel est l’objectif du ministre de la Santé et des rapporteurs du texte qui voulaient « rendre le patient maitre de son destin », et pour cela de « faire évoluer le cadre législatif de la fin de vie dans le sens de la dignité et de la liberté des malades ». Et cela, au mépris des professionnels de santé, qui se voient refuser l’octroi d’une clause de conscience.
Ce texte est-il une simple étape vers le suicide assisté ? Les interventions de Marisol Touraine qui reconnait que « la logique qui va vers le suicide assisté passe par la reconnaissance de l’hydratation et de l’alimentation comme traitement » confortent en effet les craintes de Xavier Breton quant aux risques de dérives euthanasiques contenues dans ce texte.
La discussion s’achèvera cet après midi. Suivez @genethique !
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