Le 27 mai à 16 h commencent les débats en séance publique à l’Assemblée nationale pour la première lecture du projet de loi « relatif à l’accompagnement des malades et à la fin de vie ». 3 315 amendements ont été déposés sur la version du texte issu de la commission spéciale (cf. Projet de loi fin de vie : comprendre la copie rendue par la commission spéciale). Ils occuperont les débats jusqu’au 7 juin, avec un vote du texte prévu le 11 juin.
Des amendements du Gouvernement
Le Gouvernement s’est prononcé contre le projet de loi tel qu’adopté par la commission spéciale. « Cela peut conduire à inclure de nombreuses pathologies non mortelles qui sortent de la philosophie du projet de loi. Le Gouvernement proposera donc d’y revenir »[1] explique le Premier ministre Gabriel Attal.
Le Gouvernement est ainsi à l’initiative de 3 amendements. A titre d’illustration, l’amendement 2489 vise à supprimer la possibilité pour la personne d’indiquer dans ses directives anticipées son choix en matière d’« aide à mourir », notamment en cas de perte de conscience irréversible (cf. Troisième jour de débat : feu vert à l’euthanasie des personnes inconscientes). Un point également repris par Didier Martin (Renaissance), rapporteur du texte et dépositaire de 30 amendements, qui a déposé l’amendement 2827 qui est similaire.
Ces amendements ont pour but de revenir sur la disposition de l’article 4 alinéa 1, adoptée par la commission spéciale, et ainsi rédigée : « Dans le cadre des directives anticipées, la personne peut indiquer son choix individuel du type d’accompagnement pour une aide à mourir lorsque la personne perd conscience de manière irréversible ».
La présidente de la commission spéciale et ancienne ministre de la Santé, Agnès Firmin Le Bodo, s’est également exprimée contre le projet de loi ainsi modifié. « Le texte voté n’est pas celui souhaité »[2] indique-t-elle. En revanche, elle n’a déposé aucun amendement pour le passage du texte en première lecture.
Et du côté des rapporteurs du texte ?
Olivier Falorni (Modem), rapporteur général, est lui cosignataire de 5 amendements. Ils représentent tous des amendements de coordination visant à renommer les « soins d’accompagnement » en « soins palliatifs et d’accompagnement » (cf. Soins palliatifs, soins d’accompagnement : que retenir du premier jour de débats ?). Laurence Cristol (Renaissance) a quant à elle déposé 24 amendements qu’elle a signés ou cosignés. L’amendement 2729, par exemple, propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 8 de l’article 11 du texte, ayant pour objet de supprimer la possibilité d’administration de la substance létale par un tiers volontaire qui n’est pas le professionnel de santé.
Enfin, la rapportrice LFI Caroline Fiat propose, ou est cosignataire, de 92 amendements. L’amendement 1860 par exemple vise à concrétiser l’inscription du droit à accéder à l’« aide à mourir » comme un des droits fondamentaux du patient reconnus par le Code de la Santé Publique, en incluant le droit à contester la décision du médecin devant la juridiction administrative.
Qu’en pense l’opposition ?
Les deux partis de l’opposition, que sont les Républicains (LR) et le Rassemblement National (RN), ont déposé à eux seuls 1 861 amendements. 1 200 côté LR, 661 côté RN.
Ainsi, Marc le Fur (LR), via l’amendement 1519, propose de supprimer la mention « ou a choisi d’arrêter d’en recevoir », faisant référence à l’arrêt des traitements, au motif que le choix d’arrêter de prendre des traitements anti-douleur ne peut être un critère d’accès au suicide assisté. Le député Patrick Hetzel (LR) propose, lui, avec l’amendement 177, d’exclure du dispositif les personnes sous protection juridique, qui sont par nature vulnérables.
De son côté, Emmanuelle Ménard (NI) a déposé 153 amendements. Avec l’amendement 631, elle insiste par exemple pour ne pas conditionner la clause de conscience des pharmaciens, tout en consacrant le principe du volontariat, « indispensable à l’application juste et équilibrée d’une délivrance de produits létaux dans le cadre d’une “aide à mourir” ».
Quid des fervents défenseurs de l’euthanasie ?
Certains députés, déjà présents en commission, ont pris la plume pour rendre toujours plus permissif le projet de loi (cf. Fin de vie : un projet de loi qui « permet de mettre un pied dans la porte », avant les prochaines étapes). Ainsi, Cécile Rilhac (Renaissance) revient à la charge sur la possibilité d’ouvrir l’« aide à mourir » aux mineurs dans son amendement 421. Elle propose de l’autoriser à partir de 13 ans.
De son côté, la députée Emeline K/Bidi (NUPES) propose un amendement 2977 ayant pour objectif de permettre à tout patient n’étant pas en état d’exprimer sa volonté libre et éclairée, mais remplissant le reste des conditions d’accéder à l’« aide mourir » à condition que cette volonté résulte de ses directives anticipées.
La première lecture s’annonce intéressante. En effet, le Gouvernement laisse entendre qu’il n’est plus convaincu par le projet de loi retravaillé par la commission spéciale. Se serait-il fait dépasser par les députés promoteurs de l’euthanasie ? Se satisfait-il de cette situation qui lui permet d’afficher une sorte de « raison-gardée » ? Va-t-il bloquer ou laisser faire ? Les prochains jours nous le diront.
[1] La Tribune, Gabriel Attal : « La majorité présidentielle est très largement rassemblée derrière le projet de loi sur la fin de vie », Fanny Guinochet, Bruno Jeudy, Nicolas Prissette et Ludovic Vigogne (26/05/2024)
[2] Paris Normandie, Fin de vie. Pour la députée du Havre Agnès Firmin Le Bodo, « le texte voté n’est pas celui souhaité » (20/05/2024)