“PMA pour toutes” : le Sénat dit non. Définitivement ?

Publié le 2 Fév, 2021

Le Sénat aura-t-il décidé de se faire entendre ? (cf. Le péril institutionnel) Dès la discussion générale, Muriel Jourda, rapporteur de la Commission spéciale sur le projet de loi relatif à la bioéthique (groupe Les Républicains) déplorait que les députés soient revenus quasiment systématiquement sur les propositions formulées par les sénateurs en première lecture. « Est-ce que vous allez opposer l’Assemblée nationale au Sénat ou chercherez-vous un compromis ? » interpelle Roger Karoutchi (groupe Les Républicains) (cf. Loi de bioéthique au Sénat : les institutions en panne).

Mêmes arguments, mêmes promesses

Pourtant les débats auront commencé par une impression de déjà-vu. « Ce texte est guidé par l’intérêt supérieur de l’enfant », affirme Adrien Taquet, Secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, quand il s’agit de « rendre effectifs » des « droits » d’adultes. Ce qui compte c’est « l’attention, l’amour, et l’éducation » que l’on donne à un enfant. L’argumentaire est le même, figé dans le registre de l’émotion. Et les promesses aussi. La gestation par autrui est une « ligne rouge » qui ne sera jamais franchie, soutient le Garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti. Pourtant, l’Assemblée nationale a supprimé en 2e lecture la disposition votée par le Sénat qui visait à inscrire cet interdit dans la loi. Après le vote de la “PMA pour toutes”, sera-t-il possible de dire non à deux hommes animés d’un non moins légitime « désir d’enfant » ?

La discussion générale abordera également la question de la recherche sur l’embryon. « Je rappelle que ces embryons sont voués à la destruction » soulignera Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, tout en assurant que « les lignes rouges ne seront pas franchies ». Mais en reste-t-il encore ? Pour Stéphane Ravier, assurément. Il dénonce les « expériences folles » effectuées sur les embryons « surnuméraires », ceux qui n’auront pas bénéficié d’un « projet parental » à l’issue du parcours de PMA. Et l’« avortement à neuf mois » proposé aux femmes en situation de « détresse psycho-sociale » auxquelles on n’offre pas d’autre alternative. Pour le sénateur, il s’agit d’un « basculement anthropologique majeur ».

« Quelle idée de l’homme nous faisons-nous ? interroge Muriel Jourda. Nous devons conserver ce qui dans l’homme doit rester immuable ». Ce qui est « scientifiquement possible n’est pas forcément souhaitable » abondera Daniel Salmon (groupe Ecologiste – Solidarités et Territoires). De son côté, Bruno Retailleau (groupe Les Républicains) interpellera le gouvernement sur « le principe de précaution » et la « logique de responsabilité » appliquée avec exigence pendant cette période de pandémie, alors qu’ils sont les grands absents de ce projet de loi bioéthique. Principe et logique qui sont mêmes appliqués à l’inverse, selon lui. Dominique de Legge ((groupe Les Républicains) quant à lui réussi à faire adopter dès le début des débats un principe fort, bien que symbolique, dans le code civil : « il n’existe pas de droit à l’enfant ».

Un retour au texte voté en 1e lecture ?

Lors de la discussion des amendements relatifs à l’article 1, ceux visant à refuser l’accès de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules seront rejetés. Muriel Jourda n’aura de cesse de rappeler qu’avec la “PMA pour toutes”, il n’est nulle question d’égalité. Le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel avaient déjà été clairs à ce sujet : la situation de ces personnes étant différente à l’égard de la procréation, il ne peut être question de discrimination.

Et les sénateurs font entendre leur voix. Ainsi, la PMA est refusée aux femmes seules. Pour les couples homme-femme, elle ne sera possible que si le couple souffre d’infertilité. Rappelant que le code de la sécurité sociale prévoit de réserver la solidarité nationale aux actes médicaux pour la prévention et le soin de maladies, les sénateurs choisissent de limiter le remboursement de la PMA aux couples infertiles et à eux seulement. Mais n’estiment pas nécessaire de créer une clause de conscience spécifique à la pratique de la PMA.

Comme lors de chaque passage en séance, l’accès à la PMA pour les hommes transgenres, c’est-à-dire des femmes devenues hommes à l’état civil, sera discuté. Mais de même que pour la technique de la ROPA qui consiste en un don dirigé d’ovocyte d’une femme vers sa partenaire, les sénateurs diront non une fois de plus.

Une fin de séance émaillée de surprises

Concernant la PMA post-mortem, seul un amendement avait reçu un avis favorable de la Commission spéciale bioéthique, contre celui du gouvernement, et il a été rejeté en scrutin public. Mais contre toute attente, l’amendement défendu par Daniel Chasseing (groupe les Indépendants – République et Territoires) qui prévoyait d’autoriser la PMA post-mortem seulement en cas d’embryons déjà conçus au moment du décès, sera adopté, provoquant des protestations dans l’hémicycle. L’argument du sénateur, « cet embryon, c’est le début de la vie », aurait-il fait mouche ? Et quand il s’agira de débattre de la création d’embryons chimériques ou transgéniques, les sénateurs y songeront-ils encore ?

Après le rejet de l’amendement qui avait reçu l’aval de la commission, ce vote suscite la surprise. Est-ce la sidération ? Les sénateurs refuseront d’adopter l’article 1 consacrant le principe de la “PMA pour toutes”. L’article 2 entérinant l’autoconservation de gamètes sans motif médical sera également rejeté. Adrien Taquet se dit « abasourdi ». Après avoir discuté 70 amendements ce mardi 2 février, il en reste 90 à examiner. Et une seconde délibération de l’article 1 à la demande de la Commission spéciale.

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