Le péril institutionnel

Publié le 1 Fév, 2021

La France est exsangue. Les mesures pour tenter d’enrayer l’épidémie de Covid-19 mettent l’économie à genoux et nul ne peut prédire ce que sera demain. Chacun se mure derrière son masque quand il sort, s’abrutit devant son ordinateur, chez soi, en télétravail. Mais le projet de loi de bioéthique sera débattu en session plénière au Sénat à compter du 2 février prochain. Quelle urgence ?

Des Etats-généraux de la bioéthique

En amont des débats sur la révision de la loi de bioéthique, des états généraux ont été mis en œuvre à large échelle pour consulter les Français et leur permettre de dire ce qu’ils voulaient et, à fortiori, ce qu’ils ne voulaient pas dans ce domaine ; comment ils souhaitent, ou ne souhaitaient pas que la loi soit modifiée. Ce vaste exercice démocratique, certes consultatif, a conduit à un projet de loi qui fait fi des avis recueillis, avançant un calendrier qui semblait bouclé d’avance et qui a profondément déçu. Ainsi si les Français ont été consultés, l’exercice était de pure forme et n’a en rien fait émerger un projet consensuel entre la population et le gouvernement.

Le Sénat empêché de jouer son rôle régulateur

Le désenchantement ne s’arrête hélas pas là. La seconde chambre du Parlement, qui, composée essentiellement de sénateurs de l’opposition, sans faire systématiquement obstruction devrait avoir un rôle régulateur, semble être prise à contre-pieds. Sur les sujets de bioéthique – peut-être aussi sur d’autres – ses apports sont régulièrement désavoués au point que plusieurs projets de loi ou propositions de loi ont fait l’objet de motions de rejet : les textes n’ont pas été débattus par les sénateurs qui les ont rejetés en bloc. C’est ce qui s’est passé fin novembre dernier lors de la deuxième lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale par exemple, qui a autorisé les sages-femmes, à titre expérimental pour trois ans et moyennant une formation, à pratiquer des IVG instrumentales. Ou bien quand les sénateurs ont examiné mi-janvier, la proposition de loi d’Albane Gaillot visant, entre autres, à élargir le délai pour recourir à l’IVG de 12 à 14 semaines et à supprimer la clause de conscience des médecins et personnels soignants.

Une abdication ?

Seulement, ces motions de rejet ne sont pas suivies d’effets ; elles n’ont le pouvoir ni de retoquer une loi, ni d’y faire obstacle. La protestation se fait « en pure perte ». Elles renvoient le texte indemne vers l’Assemblée nationale qui a alors toute latitude pour les adopter comme bon lui semble, la constitution lui donnant « le dernier mot ». Est-ce une démission de la part des sénateurs ? Sur le projet de loi de bioéthique notamment, force est de constater qu’après un premier passage au Sénat, la commission spéciale de la loi de bioéthique de l’Assemblée nationale, qui revoit le texte avant qu’il soit débattu en séance plénière par tous les députés, n’a eu de cesse de défaire quasi systématiquement les modifications du Sénat. Le texte que les députés ont eu entre les mains en deuxième lecture reprenait quasiment les termes de la loi, avant l’examen par le Sénat.

Le Parlement embarrasse et il semble que le gouvernement n’ait pas envie de s’encombrer, ni de ralentir son « programme de réformes ». Ainsi, en pleine pandémie, la loi de bioéthique sera examinée tandis que la loi « grand âge et autonomie » est reléguée à plus tard. Pourtant, les personnes âgées, qui paient le plus lourd tribut à la pandémie, ne devraient-elles pas être prioritaires ?

Dans ce contexte sidérant, la dérive autoritaire est-elle évitable ?

Cet article de la rédaction Gènéthique a été initialement publié sur Aleteia sous le titre : Bioéthique : le Sénat empêché de jouer son rôle régulateur ?

Photo : Pixabay

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