PMA, la marchandisation du désir d’enfant

Publié le 25 Juin, 2020

« Selon une étude réalisée par McDermott, Will, and Emery, un cabinet d’avocats de premier plan, le marché mondial des services de fertilité – qui recouvrent aussi bien la PMA, la conservation des gamètes que la GPA… – devrait atteindre les 31 milliards de dollars en 2023, soit deux fois plus qu’en 2016 (environ 17 milliards de dollars) », indique Olivia Sarton, directrice scientifique de l’association Juristes pour l’enfance et auteur de l’ouvrage PMA : ce qu’on ne vous dit pas[1] (cf. PMA, la consécration du marché du corps humain servie par les dérives du droit).

 

En 2019, la Cour des comptes avait estimé « le poids des actes liés à la PMA, sur la totalité de ceux pris en charge par la Sécurité sociale » à « 295 millions d’euros » pour l’année 2016. Un chiffre qui doit avoisiner les « 350 millions d’euros » à présent d’après Olivia Sarton. « Notre législation, encore assez contraignante, explique que ce marché soit encore très restreint en France par rapport à d’autres pays, estime la juriste. C’est pour cela que les acteurs de ce marché, qui s’annonce extrêmement lucratif, veulent déverrouiller la législation française pour pouvoir y accéder librement. »

 

Déjà, aujourd’hui, « 50% des actes de PMA sont réalisés dans des cliniques privées » en France, où « l’Assurance maladie rembourse à 100% » liés à ces actes. Et « on assiste depuis quelques années à un mouvement de fond de rachat de ces cliniques privées par des fonds d’investissement étrangers », affirme Olivia Sarton. Des acteurs « australiens, suédois, britanniques » qui investissent dans des « équipements dernier cri » pour « développer la clientèle » d’un secteur « rentable ». En effet, « comme la PMA a des taux de réussite très faibles, un couple qui entre dans un parcours de FIV va vouloir mettre toutes les chances de son côté », explique la juriste.

 

Ainsi, la France se rapproche du marché mondial « où les chaines de cliniques de fertilité sont majoritairement détenues par des grands groupes privés ». « Récemment par exemple, le groupe Ramsay Santé, propriété pour moitié d’un fonds étranger et pour l’autre d’une filiale du Crédit Agricole, a commencé à racheter des cliniques très à la pointe dans le secteur de la fertilité », illustre Olivia Sarton.

 

Et la loi pourrait bientôt se mettre au service de ce marché. « En première lecture, l’Assemblée avait par exemple proposé que des opérateurs privés puissent posséder des banques de gamètes et d’embryons, alors qu’aujourd’hui cette possibilité est uniquement réservée à des acteurs publics ou des privés à but non lucratif », rappelle la juriste. Une proposition rejetée par le Sénat, mais qui « risque de revenir lors de la seconde lecture par les députés », estime-t-elle. Pour Olivia Sarton, si le gouvernement a inscrit la seconde lecture du projet de loi de bioéthique dès cet été (cf. Le projet de loi de bioéthique de retour à l’Assemblée nationale en juillet), ce n’est pas « pour satisfaire des objectifs sociétaux ou contenter une partie des Français ». Mais parce que des acteurs financiers « poussent pour libéraliser le marché de la procréation en France et ainsi convoiter les milliards de dollars générés par ce business ».

 

 

Pour aller plus loin :

Projet de loi de bioéthique : l’exécutif égaré loin de « l’intérêt général et du bien commun »

Projet de loi de bioéthique à l’Assemblée nationale : vers une deuxième lecture bâclée ?



[1] Editions Téqui.

 

Famille chrétienne, Propos recueillis par Antoine Pasquier (24/06/2020)

 

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