OGM : tour d’horizon

Publié le 25 Sep, 2006

Revenant sur la récente découverte de traces d’Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) en France, en Allemagne, en Suède et en Suisse dans du riz provenant des États-Unis (cf. revue de presse août 2006, revue de presse du 14/09/06 et revue de presse du 20/09/06), Valeurs Actuelles consacre aux OGM un dossier intitulé “Faut-il avoir peur des OGM ?“.

 

Plusieurs hypothèses ont été formulées pour expliquer la présence d’OGM dans une variété de riz mise au point par l’entreprise Bayer, mais pour laquelle elle n’a jamais eu d’homologation. Bayer s’est-elle fait dérober le brevet, exploité par d’autres ? Le riz en essai a-t-il été mélangé à du riz traditionnel ? S’agit-il d’un coup monté orchestré par les anti-OGM ?

 

Des certificats prouvent que le riz LL601 ne présente aucune menace pour la santé… Pourtant, certains experts dénoncent “l’opacité du processus d’expertise“. Parmi eux le professeur Gilles-Eric Séralini – président du conseil scientifique du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (Criigen) – affirme que des anomalies ont été relevées sur des rats nourris aux OGM. D’autres encore regrettent que les tests de toxicité effectués avant la commercialisation soient de trop courte durée. Mais augmenter cette durée engendrerait des coûts financiers énormes (entre 200 000 et 800 000 euros par produit) qui réduiraient considérablement la rentabilité des OGM.

100 millions d’hectares d’OGM sont aujourd’hui cultivés dans le monde et 90% du soja mondial est transgénique. En France, 5 000 hectares d’OGM ont été cultivés l’an dernier contre une moyenne de 500 à 1 000 hectares en 2005, première année d’autorisation de commercialisation. En Espagne, 60 000 hectares de maïs transgénique sont actuellement cultivés (la culture d’OGM à des fins commerciales y est autorisée depuis 1999).

 

Revendu à des entreprises de nutrition animale, à des sociétés d’amidonnerie ou à l’industrie alimentaire mondiale, le maïs OGM est donc présent dans la nourriture pour animaux, les chips de maïs salées, les céréales pour petit-déjeuner, les plats cuisinés, les sauces, la charcuterie, certaines pâtisseries… Le règlement de la Communauté européenne du 1er septembre 1998 n’impose en effet une mention obligatoire que si le produit contient plus de 1% d’OGM.

Dans le monde agricole, le sujet reste tabou. La FNSEA, premier syndicat agricole français, souhaite pourtant sortir de la désinformation. Son président, Jean-Michel Lemétayer rappelle que depuis toujours les paysans ont amélioré les plantes. La culture transgénique permettra de supprimer en partie les pesticides et les herbicides, de diminuer les coûts de production et d’augmenter les rendements. Des essais portent aussi sur le développement de plantes capables de résister à la sécheresse ou aux inondations.

Mais les agriculteurs redoutent la création d’un monopole industriel pour chaque variété de plantes à l’instar de Monsanto qui détient le monopole du marché mondial pour la maïs Bt. De plus, les entreprises qui découvrent les molécules permettant de fabriquer des semences OGM sont les mêmes que celles qui commercialisent les insecticides et pesticides. Par exemple, le riz LL601 a été mis au point par Bayer pour résister à l’herbicide Liberty, également propriété de Bayer… “Ce que visent les sociétés de biotechnologies, c’est s’approprier toutes les plantes cultivées qui sont la base de l’alimentation” résume Pierre-Henri Guyon, professeur au Museum national d’histoire naturelle.

Les anti-OGM, eux, reprochent aux sociétés de biotechnologies de délaisser la recherche pour les pays en voie de développement au profit des pays riches ; les semences OGM coûtent en moyenne 6% plus cher que les semences traditionnelles. En moyenne, 6 à 10 années et entre 60 et 100 millions de dollars sont nécessaires pour une nouvelle plante OGM.

Un problème demeure : la dispersion dans la nature. Les plantes traditionnelles reçoivent du pollen des OGM, malgré les principes de précaution imposés (en France, 25 mètres et 12 rangées d’espacement entre du maïs OGM et du maïs traditionnel). “Les études scientifiques montrent que le pollen et les graines se répandent beaucoup plus loin que ce que l’on pensait. Il est faux d’imaginer pouvoir confiner des parcelles OGM” estime Pierre-Henri Guyon.

C’est pour réduire ces risques que le gouvernement français a présenté un projet de loi (voté au Sénat en première lecture) qui dresse une liste des obligations auxquelles sont tenues les agriculteurs d’OGM, et « stipule qu’aucun secret économique ne saurait empêcher la publication d’informations sur la santé ». Mais certains notent déjà les lacunes de ce texte qui “doit être plus explicite sur le principe de précaution, le problème de l’indemnisation des agriculteurs pollués et celui de la responsabilité de chacun” juge Nathalie Kosciusko-Morizet, députée chargée à l’UMP des questions de l’environnement.

 

Valeurs Actuelles explique enfin, dans un entretien avec Jean-Claude Guillon, directeur stratégique de Limagrain, troisième semencier mondial, comment “la France perd sa recherche“. Jean-Claude Guillon rappelle que la transgenèse est née en Europe, à l’université de Gand, par les travaux de l’équipe du professeur Van Montagu, qui, en 1983, a mis au point un tabac génétiquement modifié. Mais “empêtrée dans ses contraintes et paralysée par le principe de précaution, l’Europe a été incapable de valoriser cette découverte. C’est aux États-Unis que les premiers produits ont ensuite été mis sur le marché“. “Aujourd’hui, faire de la recherche en Europe relève du sacerdoce, tellement les contraintes sont exorbitantes. Les grandes entreprises ne produisent plus de connaissances en Europe, elles adaptent des innovations venues d’ailleurs.” D’après lui il faudrait une volonté politique manifeste et un cadre réglementaire incitatif pour que la France puisse rattraper son retard. “Mais aujourd’hui les faucheurs narguent les autorités. A cause de ce laxisme, de plus en plus de jeunes se détournent de la recherche et de plus en plus de chercheurs fuient notre pays.

 

Le Figaro annonce qu’en France, il existe quelques Écoles de l’ADN qui ont pour but d’initier des profanes aux biotechnologies en leur faisant créer un OGM, cloner une bactérie, réaliser une empreinte génétique… Ouvert à tous, alternant les cours pratiques et théoriques, les ateliers ont connu un “succès immédiat” affirme Jean-Christophe Lallement, directeur de l’École de l’ADN de Nîmes qui accueille chaque année 5 000 curieux.

Valeurs Actuelles (Marie de Greef-Madelin) 22/09/06 – Le Figaro 25/09/06

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