Nouvelles techniques génomiques : une proposition de règlement « sans justifications scientifiques » pour l’Anses

Publié le 4 Jan, 2024

Dans un avis daté du 29 novembre, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) propose une analyse critique de la proposition de règlement de la Commission européenne du 5 juillet 2023 relative aux nouvelles techniques génomiques (NTG) (cf. Nouvelles techniques génomiques : vers une réglementation européenne « souple » ?).

Deux catégories de « NTG »

Les règles énoncées dans le règlement sont « destinées à prévaloir sur la législation en vigueur, principalement la directive 2001/18/CE et le règlement (CE) n° 1829/20034 pour ce qui concerne la mise sur le marché de plantes, produits ou éléments de produits issus de ces plantes à des fins alimentaires », rappelle l’avis.

Le texte européen distingue deux catégories de plantes NTG. Celles de la « catégorie 1 » sont considérées comme pouvant être « équivalentes à des plantes obtenues naturellement ou par sélection conventionnelle ». Elles y sont définies par des « critères d’équivalence aux plantes conventionnelles »[1]. « Dès lors que leur statut de catégorie 1 serait établi, ces plantes ne seraient plus soumises à la législation de l’UE sur les OGM ». En revanche, celles exclues de cette première catégorie et regroupées dans la catégorie 2 resteraient soumises à la législation OGM, « dans la limite de dispositions et dérogations spécifiques ».

Le 6 novembre l’Anses a décidé de s’autosaisir du dossier pour réaliser une analyse scientifique de ces critères, un point « considéré comme sensible au sein de la proposition législative ».

Un avis très critique

Au terme de son examen le groupe de travail de l’Anses retient trois points. Tout d’abord, « les critères d’équivalence manquent singulièrement de clarté, notamment par l’utilisation de termes non univoques (site ciblé, similarité, gène, pool génétique des obtenteurs, séquence d’ADN contiguë) ». Ce « manque de clarté » est également le résultat du défaut de certaines définitions ou de mentions explicites [2].

Outre ce manque de clarté, l’instance souligne l’« insuffisance de justifications scientifiques de l’équivalence recherchée entre des plantes NTG respectant les critères proposés et des plantes conventionnelles ».

Enfin, elle déplore « la non prise en compte de la relation des critères d’équivalence proposés au risque » [3]. Alors que le texte européen indique que « des catégories de plantes qui seraient équivalentes en type, taille et nombre de variations ou modifications génétiques seraient équivalentes en type de caractères et niveau de risques », l’Anses rappelle que « le risque associé n’est pas directement proportionnel à un nombre de modifications quelles qu’elles soient ». De même, « les conséquences fonctionnelles et les risques potentiellement associés à une insertion ne sont pas proportionnels à la longueur de sa séquence nucléotidique ». Le postulat énoncé « n’a pas de justification scientifique » insistent les experts du groupe de travail. Un constat préoccupant dès lors qu’il s’agit d’exempter ces plantes de tout dispositif de surveillance.

L’Anses a par ailleurs déjà initié une expertise sur les méthodes d’évaluation des risques des plantes NTG et leur impact socio-économique [4]. Elle devrait être disponible au premier trimestre 2024.

 

[1] énoncés en annexe I de la proposition de règlement : « Un végétal NTG est considéré comme équivalent à un végétal conventionnel lorsqu’il diffère du végétal récepteur/parental d’un maximum de 20 modifications génétiques des types visés aux points 1 à 5, dans toute séquence d’ADN partageant une similarité de séquence avec le site ciblé qui peut être prédite au moyen d’outils bio-informatiques.

  1. substitution ou insertion de 20 nucléotides au maximum ;
  2. délétion de tout nombre de nucléotides ;
  3. à condition que la modification génétique n’interrompe pas un gène endogène : a) insertion ciblée d’une séquence d’ADN contiguë existant dans le pool génétique de l’obtenteur ; b) substitution ciblée d’une séquence d’ADN contiguë existant dans le pool génétique de l’obtenteur à une séquence d’ADN endogène ;
  4. inversion ciblée d’une séquence de tout nombre de nucléotides ;
  5. toute autre modification ciblée de toute taille, à condition que les séquences d’ADN qui en résultent soient déjà présentes [éventuellement avec les modifications acceptées conformément aux points (1) et/ou (2)] dans une espèce du pool génétique des obtenteurs ».

[2] Ainsi, par exemple, « Les critères se focalisent uniquement sur des modifications génétiques localisées dans un “site ciblé” et des séquences similaires. Le “site ciblé” et les séquences similaires sont à définir ».

[3] L’Anses « souligne cependant que cette situation prévaut d’ores et déjà dans l’encadrement des OGM par le dispositif législatif issu de la directive 2001/18/CE ».

[4] « Cette expertise en cours s’attache notamment à identifier les adaptations à apporter à la méthodologie l’évaluation des risques (sanitaires et environnementaux) des plantes issues de transgénèse lorsque l’évaluation va porter sur des plantes issues de mutagénèse dirigée réalisée à l’aide de CRISPR-Cas9 et techniques dérivées ».

 

Photo : iStock

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