Le Pr Louis Puybasset est médecin anesthésiste-réanimateur au groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière. Ecœuré par les débats autour de la légalisation de l’euthanasie, il prend la parole au nom des soignants qui côtoient au quotidien "la souffrance et la mort" et qui ont fait de leur vie professionnelle "un engagement de solidarité" :
"Comment peut-on décemment proposer aux malades d’arrêter leur cœur pour soulager leur souffrance en ce début de XXIème siècle ? Comment cette revendication pourrait être portée par la patrie des droits de l’homme et des Lumières ? (…)
Légaliser l’euthanasie serait inutile car la loi du 22 avril 2005 relative au droit des malades en fin de vie apporte des réponses pour la résolution de la très grande majorité des difficultés rencontrées en fin de vie. (…)
Légaliser l’euthanasie serait dangereux (…). D’abord un dispositif qui procurerait la force de la loi à l’un pour tuer l’autre, fût-ce à sa demande, porte en lui-même des dérives inéluctables. (…)
Il rappelle la "conjonction de trois phénomènes : la disparition quasi complète de la représentation de la mort de notre société, l’orchestration diabolique d’une instrumentalisation aux multiples visages et des arrières pensées économiques nauséabondes" et s’inquiète de la peur de la mort dans notre société : "Il ne fait plus bon mourir dans notre société. Mourir est devenu indécent. Mourir doit se passer dans un milieu confiné, à l’hôpital, dissimulé au regard de l’autre, comme si la mort devait être niée".
Le Dr Puybasset dénonce les manipulations de l’opinion : "L’instrumentalisation aux multiples visages (…) saute aux yeux, même pour les observateurs les plus condescendants. Elle est le fait d’organismes disposant de très importants moyens financiers. Une association comme l’Association pour le droit de mourir dans la dignité France (ADMD) emploie 7 personnes à temps plein pour faire la promotion de ses thèses ! (…)".
"Instrumentalisation de la détresse des malades d’abord, puisque l’on cache une revendication qui a pour objet essentiel de créer un droit à la mort derrière une soit disant solution au problème de la souffrance. Cette forme d’instrumentalisation a été portée jusqu’à la caricature par la "manipulation" dont Vincent Humbert et sa mère ont été les victimes (…)."
"Instrumentalisation de l’opinion, lorsque l’on produit en permanence des sondages falsifiés et de surcroit financés par ses partisans pour justifier la revendication euthanasique. (…)"
"Instrumentalisation de l’opinion publique quand la remise du Livre blanc de l’ADMD et la publication d’un manifeste ont été programmés quelques jours avant le procès de Saint-Astier (à Périgueux), dont les défenseurs de l’euthanasie voulaient faire une tribune et qui a finalement tourné au fiasco médiatique pour eux. (…)"
"Mensonge par omission, quand on oublie de parler ou même d’évoquer la misère de certains conflits familiaux et la petitesse de l’homme dans certaines circonstances. Omission fatale quand on ne dit pas que les actes d’euthanasie créent invariablement des deuils pathologiques chez les survivants. (…)"
"Instrumentalisation de celles et ceux qui ont fait de la légalisation de l’avortement leur combat quand la stratégie délibérément choisie est de mettre en parallèle l’euthanasie et l’avortement. (…)"
"Instrumentalisation de la place du soignant, quand on veut lui faire réaliser l’injection létale. (…)"
Il lance un appel :
"Aux politiques, nous demandons de garder la tête froide. (…) La loi a pour vocation de poser des règles générales et non de résoudre des situations singulières, extrêmes, exceptionnelles. (…)"
"A nos concitoyens (…), nous répétons qu’il s’agit d’un combat dogmatique d’arrière garde. (…)"
"Aux médecins, nous recommandons de s’interroger sur la notion d’abus de pouvoir auquel notre profession est constamment exposée." Faisant référence aux horreurs de la deuxième guerre mondiale : "nous rappelons que le programme Aktion T4, qui a conduit au massacre de 75 000 handicapés sévères après le début de la guerre, a été coordonné et exécuté par des médecins zélés qui avaient fini par se croire investis d’une mission de purification raciale".
Il appelle aussi les adhérents de l’ADMD à "approfondir leur réflexion s’agissant de leur soutien à cette association (…). Nous répétons que tuer n’est pas un acte médical et n’en requiert aucune compétence".
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