« Les principes éthiques sont variables dans le temps et l’espace. » Vraiment ?

Publié le 2 Juin, 2021

Mardi 1er juin à 21h, le texte du projet de loi de bioéthique est revenu à l’Assemblée nationale pour une troisième lecture, suite à l’échec de la Commission mixte paritaire. Dès le début des débats en Commission spéciale, des députés marquent leur mécontentement quant aux conditions du débat (cf. Projet de loi bioéthique : « Le gouvernement veut passer en force, ce qui est inconcevable »).

En raison du contexte sanitaire, seuls 6 députés parmi les 11 membres Les Républicains de la Commission sont autorisés à être présents, précise Patrick Hetzel. Il dénonce par ailleurs le temps législatif programmé décidé par la Chambre. 12h30 seront consacrées au texte dans l’hémicycle. Ce qui laisse 2h50 aux députés LR pour faire valoir leurs arguments, 20 minutes aux 23 députés non inscrits qui ont des positions très différentes sur le texte. « Pas très sérieux » pour un texte de cette importance, estime Patrick Hetzel. D’autant plus que certains articles ont fait l’objet de réécritures « pleines et entières » et que les rapporteurs eux-mêmes ont déposé des amendements dans les heures précédant les débats en Commission. Un « passage en force » pour le député Les Républicains. Il sera rejoint par d’autres, dont Bastien Lachaud (LFI).

Deux visions qui s’affrontent

Dans « plus de 1500 amendements » déposés, deux visions s’opposent et semblent irréconciliables. « Les principes éthiques sont variables dans le temps et l’espace », assure Jean-Louis Touraine, rapporteur LaREM du projet de loi bioéthique. « Nous pensons que nous pouvons avoir des principes éthiques communs qui ne soient pas conjoncturels », lui répond Xavier Breton (LR). « Nous nous plaçons toujours au niveau de l’intérêt de l’enfant, rappelle le député, quand vous visez à satisfaire des revendications d’adultes minoritaires. » Des divergences profondes qui expliquent que le projet de loi arrive à sa troisième lecture.

Et Jean-Louis Touraine le reconnaîtra, ce texte n’est qu’une étape, qui arriverait avec « trois ans de retard ». D’autres lui succéderont assure-t-il, mentionnant des « évidences » comme la « PMA post-mortem, la ROPA[1] et beaucoup d’autres ».

L’accès à la PMA, une question de discrimination ?

Plusieurs amendements discutés visent à autoriser l’accès à la PMA pour les hommes transgenres, c’est-à-dire des femmes devenues hommes à l’état civil. Jean-Louis Touraine, bien que rappelant que cette disposition a été rejetée par les députés en 2e lecture, prend position en sa faveur « à titre personnel ». Ce qui serait pour lui « un bel exemple de lutte contre les transphobies ». Mais les arguments de lutte anti-discrimination ont-ils leur place dans le projet de loi de bioéthique ? Pour Xavier Breton, assurément non. Ils ne visent qu’à clore le débat, juge-t-il. Et Emmanuelle Ménard (non inscrite) affirmera qu’il est « insultant et injurieux » d’assimiler l’opposition à l’accès à la PMA pour les hommes transgenres à de la transphobie. De même qu’il le serait d’expliquer le refus de la « PMA pour toutes » par de l’homophobie.

L’intérêt supérieur de l’enfant ou le droit à l’enfant ?

« L’intérêt supérieur de l’enfant est notre credo, notre obsession, de la première à la dernière ligne » du projet de loi, veut convaincre Jean-Louis Touraine. Pourtant c’est bien le grand oublié du texte. Le Sénat avait voté en première et deuxième lecture une disposition stipulant qu’il n’existe pas de droit à l’enfant. Plusieurs amendements visant à la supprimer ont été déposés pour cette troisième lecture, dont un par Coralie Dubost députée LaREM, également rapporteur du texte. Pour elle cette disposition est sans objet, le droit à l’enfant n’existant pas. Mais pour Annie Genevard (LR), au contraire, cette disposition placée au tout début du texte « consacre le statut de sujet de l’enfant ».

L’amendement de Coralie Dubost est adopté, faisant se volatiliser le refus du droit à l’enfant du projet de loi. L’occasion pour Patrick Hetzel de déplorer à nouveau les conditions du débat, qui auront fait disparaitre cette disposition « en dix minutes », alors qu’elle avait été adoptée par deux fois par le Sénat . La notion de « projet parental » restera elle gravée dans le texte.

Au terme de trois heures de débat les députés n’auront pas achevé l’examen des amendements relatifs à l’article 1 visant à consacrer le principe de la « PMA pour toutes ». Des arguments auront été échangés. Entendus ? Rien n’est moins sûr.

[1] Réception d’Ovocytes de la Partenaire, technique de procréation médicalement assisté dans laquelle l’enfant porté par une femme est issu d’un ovocyte de sa partenaire

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