Les dérives du diagnostic anténatal

Publié le 4 Jan, 2010

Le psychologue-psychanalyste Jean-Philippe Legros rattaché depuis 1989 au Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN), présente dans le quotidien La Croix son point de vue concernant les dévoiements du diagnostic anténatal.

Récemment l’avis n°107 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a franchi un seuil significatif en proposant de  "pouvoir profiter du DPI pour rechercher une trisomie 21. Cette recommandation fait ainsi sortir le DPI de son cadre spécifique et le détourne de sa fonction initiale, en présupposant que « la décision ultérieure prise par les parents ne peut être que l’interruption médicale de grossesse (IMG)" explique J.-P. Legros. Cet avis est loin d’être anodin étant donné l’autorité et l’influence du CCNE en matière d’éthique. Il diffuse "dans les esprits l’évidence de l’éradication de la trisomie 21" si bien que l’on serait tenté "de lâcher le mot-épouvantail d’ ‘eugénisme’". Certes, le DPI et le diagnostic anténatal "n’ont pas, à proprement parler, d’intentionnalités eugéniques, mais force est de constater que leurs conséquences le deviennent". S’il n’est, bien entendu, pas question d’un eugénisme étatique, "comment imagine-t-on qu’un individu, une femme ou en couple puissent résister seuls à une pression sociale de cette force ?" Comment, au moment de prendre une décision "pourraient-ils échapper à ce prêt-à-penser sociétal ?" Une autre dérive de cet avis est "de faire écho à une représentation négative de la trisomie 21 dans notre société" qui s’impose de façon unilatérale. Ce handicap étant présupposé intolérable, "on en vient à être intolérant à son égard". Les efforts de la communauté médicale pour détecter toujours plus précocement la trisomie 21 ne pose jamais "la question de ‘qui‘ est éliminé dans ces grossesses ‘naturellement‘ interrompues".

La société fait preuve d’une profonde méconnaissance de ce handicap qui " condense les peurs les plus archaïques rattachées à toute grossesse ", comme si " ce chromosome surnuméraire faisait de l’être qui en est porteur non pas un individu d’une personnalité propre, mais le représentant indifférencié d’une race aux caractéristiques intangibles ". L’IMG apparaît alors comme " cet ‘idéal’ d’interruption de l’angoisse ". Les enfants porteurs de trisomie 21 ne peuvent que pâtir de cette méconnaissance. Non dénués de toute intelligence, ils naissent dans un contexte de rejet radical qui risque d’entraver leurs capacités cognitives. Le texte du CCNE, conclut J.-P. Legros, est paradoxal en rappelant " au respect du devoir de solidarité nationale envers les personnes handicapées tout en acceptant comme une évidence son éradication, autorisant alors le plus pernicieux des eugénismes ".

La Croix (Jean-Philippe Legros) 04/01/10

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