Des chercheurs de l’université d’Oxford, de Cambridge et du German Research Center for Environmental Health ont observé le développement d’un embryon à un stade encore jamais étudié de la sorte : « un embryon humain entier en cours de gastrulation, dont l’âge se situe entre 16 et 19 jours après la fécondation ». Des recherches publiées dans le journal Nature le 17 novembre[1], suscitant de nombreuses retombées enthousiastes : une étude « historique », une « pierre de Rosette » …mais qui soulève de nombreux problèmes éthiques
Lors de la gastrulation, qui se produit la troisième semaine après la fécondation, les cellules de l’embryon commencent à se différencier. A ce stade, certains gènes sont activés. « Vous avez une sorte d’explosion de la diversité cellulaire »[2], explique Shankar Srinivas, chercheur à l’université d’Oxford et auteur de l’étude. Un processus « magnifique », s’émerveille-t-il.
« La souris est en fait un très bon modèle de l’homme »
Son équipe « a disséqué l’échantillon d’un embryon humain » avant d’utiliser le séquençage de l’ARN en cellule unique pour déterminer quels gènes étaient actifs dans chacune des plus de 1 000 cellules dissociées. Ils ont ensuite identifié « quelles cellules ont été activées pour jouer certains rôles, et où elles se trouvent dans l’embryon âgé de plusieurs semaines ». Et en comparant leurs résultats avec les observations d’embryons de souris, les chercheurs ont trouvé plus de similitudes que de différences. Ce que résume Shankar Srinivas : « La souris est en fait un très bon modèle de l’homme ».
Les chercheurs ont toutefois noté des différences : « la présence de protocellules sanguines chez l’homme beaucoup plus tôt que chez la souris » et « l’absence de système nerveux » chez l’embryon humain à ce stade. Un argument que voudraient utiliser les chercheurs pour promouvoir la culture d’embryons au-delà de 14 jours (cf. Recherche sur l’embryon : plus aucune limite ?).
De l’avortement au matériau de laboratoire
La gastrulation est impossible à observer pendant une grossesse. Alors comment les scientifiques ont-ils pu effectuer cette recherche ? En utilisant un « échantillon » d’une « rareté exceptionnelle » provenant du Human Developmental Biology Resource. Cet « échantillon » est en fait un embryon avorté, avant d’être donné à la recherche. Shankar Srinivas a expliqué avoir passé cinq ans sur liste d’attente pour l’obtenir. Et que « l’idéal serait de disposer d’un plus grand nombre d’échantillons de ce type à comparer ».
Dans leur article, à la rubrique « déclarations éthiques », les auteurs rassurent sur leur absence de conflit d’intérêts. Apparemment leur seule préoccupation éthique.
[1] Richard C. V. Tyser et al, Single-cell transcriptomic characterization of a gastrulating human embryo, Nature (2021). DOI: 10.1038/s41586-021-04158-y
[2] Phys.org, ‘Landmark’ study probes crucial phase of embryo development, Natalie Handel (17/11/2021)