Les députés vont prochainement reprendre des débats difficiles pour la deuxième lecture devant l’Assemblée nationale du projet de loi bioéthique.
La recherche sur l’embryon
La question éthique cruciale concerne la recherche sur les embryons. La recherche implique en effet leur destruction. Le législateur voit bien qu’il s’agit d’une transgression du « principe qui doit rester fondateur : le respect de la vie dès son commencement 1» mais le ministre de la santé, J.-F. Mattéi, qui énonce ce principe avec conviction, ne croit pas « que la médecine puisse progresser à des moments déterminants sans transgression […telle] la loi sur l’interruption de grossesse, qui est vécue comme une transgression dans un cas particulier. Chaque fois que nous allons également vers le diagnostic prénatal, nous voyons bien l’exception… » Il en est de même de l’assistance médicale à la procréation qui conduit à la recherche sur l’embryon et allonge la liste des transgressions. Aussi, en transgressant un principe fondamental proclamé par la loi, le ministre de la santé admet que l’on puisse faire des recherches sur les embryons, à titre exceptionnel, pour des études très sélectionnées, et durant une période limitée à cinq ans.
Création d’embryons
Par rapport au texte voté par le Sénat, et tout en s’opposant à la création d’embryons pour la recherche, le projet de loi à l’Assemblée ouvre la possibilité de ne pas limiter la recherche aux seuls embryons surnuméraires « en stock » à la date de promulgation de la loi, mais propose aussi de l’étendre au « flux » des futurs embryons surnuméraires qui, demain, ne feront plus l’objet d’un projet parental. Cette disposition introduit subrepticement, mais clairement, la constitution d’embryons pour la recherche, ce que le projet de loi semblait pourtant vouloir condamner par ailleurs.
L’article le plus important et le plus controversé est l’article 19, disposant des limites auxquelles serait soumise une recherche sur l’embryon, malgré l’interdiction formelle placée en exergue. Cette exception est assortie de neuf conditions ; l’embryon doit avoir été conçu in vitro dans le cadre de l’AMP, et n’être plus couvert par un projet parental, fait attesté par le couple sur un écrit mentionnant l’acceptation des recherches. Les autres conditions concernent le sérieux du projet, l’absence d’alternative et le contrôle par l’Agence de la biomédecine, nouvel organisme d’État créé par la loi et unifiant tous les dispositifs de contrôle et de gestion de la recherche.
L’absence d’alternative ?
Les thérapeutiques dont il s’agit sont les thérapies régénératrices par les cellules souches embryonnaires. Or, « les perspectives de guérison » sont pour le moment inapplicables à l’homme car les greffes de cellules souches embryonnaires ne sont pas sans danger. J.-F. Mattei le dit d’ailleurs sans ménagement : “Parler aujourd’hui d’espoir thérapeutique immédiat est donc un mensonge.” “Dans le discours, ne trompons pas les associations de malades, ne trompons pas les patients. C’est une longue route… qui n’a en réalité pas commencé à produire le premier début de la moindre preuve, même sur les modèles animaux. » On sait en effet que de telles recherches sont entreprises depuis une vingtaine d’années dans les pays anglo-saxons et les résultats se font attendre. Or, on sait que l’embryon n’est pas la seule source de cellules souches car il existe des cellules souches adultes dans la moelle osseuse et dans différents organes de tout individu ainsi que dans le sang du cordon. La recherche dans ce domaine bat son plein dans le monde entier et observe déjà des résultats positifs2. C’est déjà plus qu’une alternative à l’utilisation des embryons humains. Nombre de scientifiques pensent que c’est la seule voie d’espoir.
Enfin, malgré la rhétorique, nul ne croit que ces recherches puissent être utiles à l’embryon. Certes, elles font entrer l’embryon dans le domaine de la médecine, mais au profit d’autrui.
1- Audition devant la commission des affaires sociales au Sénat, le 12 décembre 2002
2- Gène-éthique n° 32 et n°33
Sur la révision des lois de bioéthique, voir aussi Gène-éthique n° 36 et n°38