La Croix consacre son dossier "Sciences et éthique" au commerce d’organes et au "tourisme de transplantation".
L‘Iran est le seul pays au monde à rémunérer officiellement ses donneurs, tout en interdisant l’accès à son système aux receveurs étrangers. Malgré les 3 000 euros moyens (ce qui représente un an et demi de salaire minimum) versés aux donneurs, personne ne parle de "vente" mais plutôt de "don religieux".
Aux Philippines, le ministère de la santé a créé un comité gouvernemental pour contrôler les dons de reins et les greffes, sans condamner pour autant le fait de donner, de son vivant, son rein à un malade inconnu (cf. Synthèse de presse du 27/03/08). Aujourd’hui, les Philippines sont une "destination de choix pour des malades venant acheter à des personnes en situation vulnérable un organe qu’il leur faudrait attendre des années dans leur pays". Principale forme du commerce international d’organes, ce "tourisme de transplantation" a fait naître un business florissant : des agences proposent ainsi des "forfaits" allant de 45 000 à 100 000 euros.
Pourtant, en 2004, l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) a adopté une résolution condamnant le tourisme de transplantation et le trafic d’organes. Plaque tournante de ce marché (en 2005, le vice-ministre de la Santé, Huang Jiefu, reconnaissait que la majorité des 12 000 organes transplantés dans le pays étaient prélevés sur des condamnés à mort), l’évolution de la Chine devrait améliorer les choses. Ainsi une loi de 2006, entérinée en avril 2007 par le Conseil d’Etat chinois, interdit la commercialisation d’organes et définit le consentement des donneurs.
Second foyer de transplantations à partir de donneurs vivants, le Pakistan pourrait connaître une évolution similaire. En septembre 2007, le président Pervez Moucharraf a ainsi signé une ordonnance interdisant la commercialisation du corps humain et autorisant le prélèvement d’organes sur des personnes en état de mort encéphalique. Cette ordonnance devrait être transformée en loi par le Parlement.
D‘autres pays comme la Colombie et l’Egypte semblent aussi vouloir encadrer les transplantations. Parallèlement, en reconnaissant l’état de mort encéphalique, le parlement israélien devrait permettre de diminuer le nombre de patients partant se faire transplanter à l’étranger.
En France, l’Agence de la biomédecine recense, pour l’année 2007, 5 768 nouveaux demandeurs. Face au manque d’organes à greffer, certains militent pour l’instauration d’un marché en rémunérant les donneurs.
Arthur J. Matas, directeur du programme de transplantation rénale de l’hôpital universitaire du Minnesota, souhaiterait que l’on essaie de mettre en place "un système régulé de paiement des donneurs de reins". Il considère en effet que les greffes de rein présentent un "risque acceptable sur lequel nous pouvons fournir aux donneurs des informations de qualité". Pour lui, donneurs et receveurs doivent rester anonymes. Au niveau du prix, il estime qu’aux Etats-Unis, l’Etat économise 60 000 € de fonds par transplantation. Une des propositions est que cette somme couvre les aspects administratifs, l’opération et le paiement du donneur, sans supplément de coût. Il souhaite ainsi "réguler le marché noir existant".
De son côté, le Pr Jean-Michel Dubernard, chirurgien transplanteur à l’hôpital Edouard Herriot à Lyon, s’oppose à tout prélèvement d’organe chez un donneur vivant. Il estime en effet qu’il existe toujours un risque pour la santé du donneur. Il rappelle toutefois qu’en France, on peut donner un rein de son vivant à un parent proche, sans compensation. S’il trouve cela admirable dans le cas d’un parent pour ses enfants, il est plus réticent quand il s’agit de frère, de sœur ou d’un conjoint. Quant au paiement de ce don, il y est extrêmement opposé car "vendre une partie de son corps, c’est le transformer en marchandise". Il estime que "mieux vaut développer les prélèvements sur les personnes décédées".
La Croix (Louis Imbert) 08/04/08 – BioEdge 23/04/08