Le Human Brain project tire sa révérence

Publié le 5 Sep, 2023

« Dix ans, environ 500 scientifiques et quelque 600 millions d’euros [1] » : le Human Brain Project (HBP), « l’un des plus grands projets de recherche jamais financés par l’Union européenne », touche à sa fin [2]. Son objectif initial de « simuler l’ensemble du cerveau humain » n’a pas été atteint (cf. Human Brain Project, l’ambition européenne contestée).

Pour Yves Frégnac, chercheur en sciences cognitives, directeur de recherche au CNRS et membre du HBP, « le projet n’a pas réussi à apporter une compréhension complète ou originale du cerveau ». « Je ne vois pas le cerveau, je vois des bouts de cerveau », résume-t-il.

Diverses avancées scientifiques

Au cours de son existence, les scientifiques du Human Brain Project ont publié des milliers d’articles et réalisé des « avancées significatives » dans le domaine des neurosciences. En créant et en combinant des cartes en 3D d’environ 200 structures du cortex cérébral et du cerveau profond, les chercheurs ont réalisé un « atlas du cerveau humain », qui est accessible via EBRAINS, une plateforme virtuelle développée dans le cadre du projet [3]. L’atlas décrit l’organisation à plusieurs niveaux du cerveau, « depuis son architecture cellulaire et moléculaire jusqu’à ses modules fonctionnels et sa connectivité ».

Grâce à lui, les scientifiques du Human Brain Project ont identifié « six régions cérébrales du cortex préfrontal jusqu’alors inconnues, qui contribuent à la mémoire, au langage, à l’attention et au traitement de la musique ». L’atlas relie également ses cartes aux données d’expression génétique de l’Allen Human Brain Atlas, une base de données développée par l’Allen Institute for Brain Science à Seattle, qui caractérise les neurones dans l’ensemble du cerveau. En utilisant les atlas jumelés, les chercheurs ont révélé comment les changements dans l’expression des gènes associés à la dépression étaient liés à des changements structurels et fonctionnels dans une région du cortex frontal.

Certains résultats ont été traduits en applications cliniques, en utilisant des « modèles personnalisés du cerveau », aussi appelés « jumeaux numériques »[4], pour améliorer les traitements de l’épilepsie et de la maladie de Parkinson.

Le manque de vision globale

Mais ces travaux restent fragmentés, « un problème de longue date dans la recherche en neurosciences ». « Je vois des applications très astucieuses, mais il n’y a pas d’intégration à plusieurs échelles et les grands problèmes ne sont pas abordés », déplore Yves Frégnac.

Pour tenter de surmonter la fragmentation de ses sous-projets interdisciplinaires, le Human Brain Project a rassemblé ses technologies au sein d’EBRAINS. Certains groupes ont été réorganisés pour se concentrer sur des défis scientifiques particuliers plutôt que sur des disciplines. « Mais il reste encore beaucoup de travail à faire », reconnaît Viktor Jirsa, neuroscientifique à l’université d’Aix-Marseille et membre du conseil d’administration du projet.

A la fin du mois de septembre, le Human Brain Project cessera de distribuer des fonds. Bien que certaines initiatives issues du projet aient déjà obtenu des subventions pour poursuivre leurs travaux, « l’avenir est incertain pour de nombreux chercheurs »[5].

 

[1] Le Human Brain Project s’était vu promettre 1 milliard d’euros. Il a finalement reçu 607 millions d’euros, dont 406 millions d’euros de l’UE, répartis en quatre phases et distribués aux laboratoires qui ont concouru pour l’obtention de subventions à chaque phase.

[2] L’examen final du projet par la Commission européenne débutera en novembre et devrait être publié en janvier.

[3] EBRAINS est une suite d’outils et de données d’imagerie que les scientifiques du monde entier peuvent utiliser pour effectuer des simulations et des expériences numériques.

[4] Les jumeaux numériques sont des représentations mathématiques du cerveau d’une personne qui « fusionnent » les scanners d’un individu avec un modèle.

[5] En mars, la Commission européenne a rejeté une demande de 38 millions d’euros pour assurer le fonctionnement d’EBRAINS, mais elle a rouvert le même appel de fonds en juin après avoir négocié avec le projet.

Source : Nature, Miryam Naddaf (22/08/2023)

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