Le grand malentendu de la “mort endormie”

Publié le 26 Fév, 2015

L’hebdomadaire Famille Chrétienne consacre le dossier de cette semaine à la fin de vie et la proposition de loi Leonetti-Claeys, passée en commission le 17 février (Cf. Gènéthique vous informe du 18 février 2015) et qui sera discutée par les députés le 10 mars.

 

Pourquoi la “sédation continue et profonde jusqu’au décès” pose problème

 

La proposition de loi Leonetti-Claeys introduit une nouvelle pratique de la sédation qui pose de nombreuses questions éthiques, la “sédation continue et profonde jusqu’au décès”. Si, lorsqu’elle est intermittente, “la sédation est un geste bien-traitant car elle est continuellement réévaluée” précise le Dr Pascale Vincent[1], la sédation continue prive le patient de ses capacités relationnelles et de son autonomie. De plus, son intention n’est pas claire. “On est  à la marge de l’euthanasie”, commente le Dr Blanchet[2]. Et le Dr Gomas[3] de confirmer que “beaucoup de patients voient déjà leur fin de vie accélérée par des surdosages”.

 

“Pour une grande partie des équipes de soins palliatifs, la proposition de loi Leonetti-Claeys renforcerait la confusion entre sédation et euthanasie”, analyse l’hebdomadaire. D’autant plus que si la pratique de la sédation est bien maîtrisée dans les services spécialisés, c’est moins le cas des les équipes mobiles et les services hospitaliers surchargés, et alors le risque d’un excès de sédations et de sa généralisation est bien réel.

 

La “mort endormie” est-elle un bien?

 

Endormir un patient ne fait pas survenir la mort immédiatement. Le Dr Gomas révèle ce que la proposition de loi ne dit pas : “même lorsqu’on stoppe tous les traitements, y compris l’alimentation et l’hydratation, si le malade ne lâche pas prise, il peut survivre des jours et des jours”[4].

 

“Au final, qui endort-on avec ce nouveau droit ? Le patient ? La mort ? Les demandes d’euthanasie ? Les familles elles-mêmes ? Voire la société tout entière ?” s’interroge le journal. Pour le Dr Blanchet, “faire croire que la mort idéale est une mort endormie est un fantasme”. Faire croire au patient qu’il peut maîtriser sa mort par une ultime “automédication” est un mensonge, du fait de la situation de fragilité psychologique au seuil de sa vie.

 

Jean Leonetti a-t-il été piégé sur ce “nouveau droit”?

 

En février 2012, Jean Leonetti affirmait qu’“aujourd’hui, en France, la loi sur la fin de vie permet d’aller aux limites de ce que l’on peut faire sans donner volontairement la mort”. Aller au-delà de la loi de 2005 serait “franchir la ligne rouge”. Alors que s’est-il passé pour que Jean Leonetti accepte de co-rédiger une proposition de loi avec Alain Claeys ? On le dit hanté par l’affaire Hervé Pierra, jeune homme décédé en 2006.

 

Jean Leonetti reconnait lui-même que la sédation peut être “ambiguë” et que “la frontière est mince” avec l’euthanasie. Il a fait savoir que si la teneur de sa proposition de loi était altérée par la majorité, il n’en serait plus le rapporteur. Et qu’après cette loi, “ce sera sans lui”.

 

Certains députés font entendre que Jean Leonetti a été piégé par le gouvernement. “C’est bien joué” reconnait Philippe Gosselin (UMP, Manche) car Jean Leonetti s’attire la confiance de l’Assemblée du fait de sa précédente loi votée à l’unanimité. Pour Jean-Frédéric Poisson (UMP, Yvelines) “essayer de trouver un compromis, c’est entrer dans la logique de la majorité”, “s’il se rend compte que la gauche dépasse sa pensée, il votera contre, il me l’a dit”. De son côté, Véronique Besse (Vendée), avec près de 80 députés, a déposé une proposition de loi pour le développement des soins palliatifs et refuser que “l’endormissement définitif soit l’unique solution” (Cf. Gènéthique vous informe du 20 février 2015).

 

 

Note de Gènéthique

Pour aller plus loin sur le sujet de la sédation, lire Gènéthique vous informe du 25 février 2015 (article de la Lettre mensuelle de Février) et la tribune d’Emmanuel Hirsch “L’idéologie du bien mourir imposera demain ses normes” .

 

[1] Le Dr Pascale Vincent est responsable de l’équipe de soins palliatifs de l’hôpital Cochin.

[2] Le Dr Véronique Blanchet est spécialiste en douleur et soins palliatifs aux Hôpitaux universitaires Est Parisien-Saint-Antoine.

[3] Le Dr Jean-Marie Gomas est médecin coordinateur de l’unité fonctionnelle “douleurs chroniques-soins palliatifs” à l’hôpital Sainte-Périne (Paris).

[4] Cf. Vincent Lambert qui a survécu 31 jours lors de première tentative d’euthanasie de son équipe médicale en mai 2013. 

 

Famille Chrétienne (Antoine Pasquier) 26/02/2015

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