Le “dilemne éthique assumé” du don d’organes sur donneurs décédés après arrêt des thérapeutiques actives

Publié le 2 Juin, 2015

Le don d’organes sur “donneurs décédés après arrêt des thérapeutique actives“, aussi appelé “don d’organes sur donneur décédé après arrêt circulatoire contrôlé“, ou don d’organes de la catégorie Maastricht 3 (DDAC III), est l’une des trois priorités évoquées par la ministre de la santé lors de son discours inaugural des journées de l’ABM (cf. Gènéthique vous informe du 29 mai 2015). Cette question renvoie à de nombreuses questions éthiques, puisqu’elle induit une décision de limitation ou d’arrêts de “traitements” (LAT) suivie de très près d’une décision de don d’organes. Cette procédure, pratiquée en France depuis novembre 2014, pourrait s’apparenter à “l’euthanasie altruiste” (cf. Gènéthique vous informe du 1er février 2013).

 

Un protocole national unique déjà établi

 

Après un débat à l’Office parlementaire d’évaluations et des choix scientifiques et technologiques (OPECST) en 2013, qui a conclu à la non nécessité de légiférer sur la question, la France s’est engagée sur le DDAC III. Alors que les parlementaires de l’OPECST avaient pourtant évoqué la nécessité d’encadrer la question par voie règlementaire, c’est en définitive un “protocole national” qui a été établi après concertation de l’ABM et des sociétés savantes. 

Ce protocole, présenté aux journées de l’ABM par le docteur Corine Antoine et le docteur François Mourey, est le suivant:

  • étape n°1 : Décision d’une limitation ou d’un arrêt des traitements (ndlr : on connaît l’interprétation large de ce terme (cf. décision Conseil d’Etat sur Vincent Lambert, et débats sur la proposition de loi Claeys Leonetti)).
  • étape n°2 : Prise en charge du patient pour l’accompagner dans sa “fin de vie” (soins de confort).
  • étape n°3 : Considérer le patient comme un donneur potentiel (dresser un bilan minimal pour repérer d’éventuelle contre-indication), et évoquer le don d’organes avec la famille.  
  • étape n°4 : Constat de l’arrêt circulatoire, respect des “5 minutes no touch“, constat officiel du décès.
  • étape n°5 : Mise en place d’un dispositif pour préserver le foie et rein. 
  • étape n°6 : Consultation du registre national du refus de greffes pour s’assurer que le patient n’y figure pas. 
  • étape n°7 : Prélèvement des organes (foie et rein) par une équipe différente de celle qui a pris en charge le patient de son vivant (principe d’étanchéité des filières).
  • étape n°8 : Les organes sont transportés et les greffes réalisées sur un receveur compatible, identifié avant le prélèvement.  

 

Un “dilemme éthique” peu soulevé, et annoncé comme “assumé”

 

René Robert clôt rapidement les questions éthiques en affirmant que le “dilemme éthique” de Maastricht III est désormais assumé. Il justifie son point de vue par deux distinctions. D’une part, il appelle à “assumer le lien entre l’arrêt des thérapeutiques et la mort attendue”. D’autre part, il invite à penser “Tant mieux si le patient meurt car, si l’on continue, on entre dans l’acharnement thérapeutique“, et non pas “Tant mieux si le patient meurt pour prélever ses organes“. Les “gardes fous” posés par l’ABM qui consistent à “dissocier la décision LAT et la décision de prélever” ainsi qu’à “séparer les équipes de réanimation et de prélèvement”, suffisent selon lui à résoudre toutes questions éthiques.

Pourtant, une question de la salle semble manifester que la situation n’est pas si simple en pratique : les patients peuvent avoir, malgré le constat de la mort circulatoire, des réactions électriques du cœur, ce qui pourrait semer un doute sur la mort du patient. Enfin, la difficulté de ne pas considérer le patient comme une source d’organes est rapidement balayée. Pourtant, il est clairement affirmé qu’il “faut penser l’arrêt des thérapeutiques en pensant à l’impact du don“.

 

Une nouvelle approche des “soins de fin de vie

 

En revanche, l’inquiétude évoquée est la suivante : comment susciter le don chez la famille, et comment maintenir cette décision? En effet, les professionnels expliquent que la famille ne peut supporter un temps trop long entre la décision du don et le prélèvement, ce qui pourrait la faire revenir sur sa décision.

Ils souhaitent donc “apprendre à parler de l’ensemble des soins de fin de vie“, comprenant l’arrêt des traitements et le prélèvement d’organes. Une approche de la mort avec laquelle “certains médecins ne seront pas à l’aise”, disent-ils, ce qui leur importe peu tant qu’il y a “une volonté implicite du patient d’être donneur d’organes“, et que les greffons augmentent.   

 

 

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