“Le croisement inter-espèces, mêlant l’homme à l’animal, constitue une atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine”

Publié le 9 Sep, 2019

Alors que le Japon a annoncé autoriser l’introduction de cellules humaines dans un embryon de rat, Jean-René Binet, professeur de droit privé à l’université de Rennes-I alerte sur les risques du projet de loi de bioéthique français.

 

D’un point de vue purement juridique, « les croisements homme-animal perturbent les catégories juridiques », déclare-t-il. « Un animal humanisé est-il toujours soumis au régime des biens ou devient-il une personne? ». Le législateur, lors de la révision de la loi de bioéthique en 2011, a consacré un principe d’interdiction de création d’embryons chimériques, dans l’article L. 2151-2 alinéa 2 du code de la santé publique. Si cette technique diffère du clonage, le fondement de leur interdiction est le même : « La protection de l’intégrité de l’espèce humaine, dont le principe est affirmé par l’article 16-4 du code civil », rappelle-t-il. Un « croisement inter-espèces, mêlant l’homme à l’animal, constitue en effet une atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine », poursuit-il.

 

Or, cette interdiction de création d’embryons chimériques pourrait être supprimée en France lors de la révision de la loi de bioéthique, avertit Jean-François Binet. En effet, le projet de loi relatif à la bioéthique présenté en Conseil des ministres le 24 juillet 2019 prévoit un nouvel article L. 2151-2 alinéa 2 du code de la santé publique : « La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite » (art.17). Il en résulte une autorisation implicite de « l’introduction de cellules humaines dans l’embryon d’un animal », explique-t-il, « c’est-à-dire que ce qui vient d’être autorisé au Japon pourrait l’être en France d’ici quelques mois ».

 

En outre, il semble « qu’il n’existe aucune garantie que les cellules-souches pluripotentes introduites dans le but de créer un organe ne se propagent pas ailleurs dans l’organisme, notamment dans le cerveau », rappelle-t-il. Les chercheurs japonais ont décidé de fixer un taux limite de cellules humaines de 30 % dans le cerveau des animaux, cependant « peut-on y voir une marque suffisante de sagesse ? », s’interroge Jean-François Binet. « Pourquoi 30 % et pas 20 % ou 40 % ? Cela signifie-t-il qu’il existerait une humanisation acceptable du cerveau des animaux, un seuil d’humanité ? ». Pour le professeur de droit, le risque est grand qu’ « une telle transgression ouvre la voie à l’admission de pratiques où un embryon humain serait modifié par insertion de matériel génétique animal ». Face à ces dérives réalistes, « la seule position raisonnable » est de maintenir l’interdiction de la création d’embryons chimériques actuellement en vigueur en France.

Le Figaro, Jean-René Binet (13/08/2019) – Avant-première Nouveau « Introduire des cellules humaines dans l’embryon d’un animal doit rester interdit »

 

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