Le CIB met en garde sur les « tendances eugéniques » du DPNI

Publié le 28 Oct, 2015

Le Comité International de Bioéthique (CIB) de l’Unesco ne mâche pas ses mots à propos du Dépistage Prénatal Non Invasif (DPNI). Dans le rapport final sur le génome humain et les droits de l’homme, en date du 2 octobre, le CIB déclare « l’utilisation généralisée du dépistage génétique et en particulier du DPNI peut favoriser une culture de ‘perfectionnisme’ ou ‘zéro défaut’, et même renouveler certaines tendances eugéniques ».

 

Le DPNI est un test de détection d’anomalies génétiques, principalement de la trisomie 21, basé sur l’analyse de l’ADN fœtal circulant dans le sang maternel (cf. Gènéthique du 18 mars 2015, du 5 octobre 2012 et du 1er novembre 2012). Il a été mis au point en 2008, mis sur le marché dans quelques pays en 2011 et il est commercialisé en France depuis l’automne 2013. Pour le CIB, ces nouveaux tests « représentent une avancée technique, mais ils ont également une importance éthique ».

 

Avancée technique, car ces tests permettent d’obtenir des résultats fiables dans des délais rapides, « presque toujours rassurants (négatifs)» et ils « peuvent réduire considérablement le nombre de procédures invasives »[1].

 

Mais le DPNI présente également un certain nombre d’« inconvénients éthiques » pointés par le CIB :

  • La « conséquence la plus probable [d’un résultat positif] reste le recours à l’avortement », puisqu’aucune intervention thérapeutique n’est possible entraînant une « exclusion donnée par avance par la société aux personnes touchées par cette maladie ». La généralisation du DPNI comporte un « risque de banalisation et d’institutionnalisation du choix de ne pas faire naitre un enfant malade ou handicapé ». Plus largement, le DPNI a un impact négatif « sur la perception du handicap et la solidarité sociale avec les personnes handicapées et les femmes qui leur donnent naissances. »  Le CIB met l’accent sur les femmes qui peuvent se sentir « obligées » de recourir au dépistage et se sentir « stigmatisées dans le cas où elles refusent ».
  • De surcroit, le risque que les femmes enceintes avec un résultat positifs « n’attendent pas la validation du résultat par des diagnostics invasifs, mais choisissent immédiatement d’avorter » est grand, entrainant également la « destruction d’embryons sains ».
  • L’ « effet anxiogène » des tests est souligné, ainsi qu’une possible dérive vers la sélection « fondée sur le sexe » : le DPNI permettant la révélation du sexe aux parents à un stade très précoce de la grossesse.

 

Le CIB met en lumière deux paradoxes qui mettent à mal les objectifs affichés du DPNI :

  •  « L’introduction d’un test qui peut offrir un choix éclairé à plus de femmes enceintes peut dans la pratique nuire à cet objectif ». En effet, le dépistage devenant systématique et un choix « évident », les  couples ne sont pas « pleinement conscients que les résultats des tests peuvent les mettre face à une décision importante et peut être extrêmement difficile à prendre ».
  • Par ailleurs avec une utilisation généralisée du DPNI « le nombre de diagnostics invasifs augmenterait en raison de l’utilisation du DPNI qui doit précisément diminuer l’utilisation des diagnostics invasifs »[2].

 

Mais le paradoxe majeur du DPNI, réside dans sa présentation comme un « dépistage populationnel », c’est-à-dire proposé à toutes les femmes enceintes selon l’accessibilité financière et institutionnelle, justifié par son « utilité » ou ses « avantages pour les participants » en matière de santé. Le DPNI n’a cependant pas pour but « l’amélioration de la santé », mais bien « la décision de mener ou non la grossesse à terme ». Le CIB met en garde contre la dérive possible vers un « objectif social » de réduction du coût des soins : « Cela impliquerait une pratique discriminatoire portant le jugement que ‘ces gens ne sont pas les bienvenus dans la société’».

 

Le CIB recommande donc de tenir compte à la fois :

  • du « droit d’un individu à poser des choix autonomes »,
  • du « droit de ne pas être soumis à la discrimination ou à la stigmatisation fondée sur des caractéristiques génétiques »,
  • et du « devoir de respecter chaque être humain dans son unicité ».

Une position aujourd’hui isolée qu’il faut saluer. Regrettons que cette fine analyse n’ait pas été mise en avant, en particulier en France où le dépistage prénatal entraine l’avortement des embryons et fœtus porteurs de trisomie 21 dans 96% des cas.

 

[1] Amniocentèse et choriocentèse, pratiques « invasives » associées à un risque « non négligeable » de fausse couche.

[2] En effet, en généralisant le DPNI le nombre de faux positifs augmenterait, avec « la nécessité d’une confirmation par test invasifs ».

 

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