Les députés européens ont voté hier une résolution demandant au Conseil que « le droit à l’avortement soit inscrit dans la charte des droits fondamentaux de l’UE après sa remise en cause aux Etats-Unis » (cf. Le Parlement européen demande d’inscrire l’avortement parmi les « droits fondamentaux »). Dans un discours prononcé au Parlement européen le 5 juillet, Gregor Puppinck dénonçait le mensonge suivant lequel l’avortement est un “droit”.
L’affirmation selon laquelle l’avortement est un droit repose sur le mensonge.
Il y a d’abord le mensonge suivant lequel l’avortement serait un « soin de santé », qu’il serait « sans risque », que sa légalisation réduirait la mortalité maternelle, ou encore que les femmes seraient victimes de « grossesses forcées », comme si la grossesse était une fatalité. Il y a aussi le mensonge suivant lequel il serait impossible de prévenir ni de réduire le recours à l’avortement, ou que l’avortement serait une condition de l’égalité entre les hommes et les femmes. Tous ces mensonges peuvent être aisément dénoncés.
Mais le plus gros mensonge sur l’avortement consiste à dénier jusqu’à l’existence de l’enfant victime de l’avortement. C’est sur ce mensonge que repose le prétendu droit à l’avortement.
C’est l’ignorance de l’enfant qui permet de présenter l’avortement comme un droit de la femme sur son propre corps ; c’est ce que fit la Cour suprême dans l’arrêt Roe v Wade de 1973, et c’était faux, hier comme aujourd’hui. C’est un mensonge grossier car l’avortement est évidemment pratiqué sur un enfant ! C’est lui qui est avorté et non sa mère.
Ce mensonge va même plus loin puisque les promoteurs de l’avortement prennent toujours soin d’éviter d’en parler ouvertement : ils utilisent des périphrases telles que « procédure », « régulation menstruelle », « droit reproductif » ou « droit des femmes » pour ne pas dire « avortement ». Ils n’assument pas la réalité sanglante de ce qu’ils promeuvent.
Ce mensonge se diffuse depuis les lobbys internationaux de l’avortement et les Nations Unies ; il est une condition du droit à l’avortement.
C’est sur ce mensonge que reposait l’arrêt Roe v Wade ; et c’est ce mensonge que la Cour suprême a enfin rejeté dans son récent jugement Dobbs. Il faut le reconnaître, elle a suivi en cela la Cour européenne des droits de l’homme qui avait déjà déclaré que la grossesse et l’avortement ne concernent pas seulement la vie privée de la mère, mais aussi « l’enfant à naître » qu’elle porte, ainsi que le « père potentiel » de l’enfant, et la société (affaires Brüggemann et Boso). C’est parce que l’enfant existe, même s’il n’est qualifié que d’être humain potentiel, que la grossesse et l’avortement dépassent le cadre de la vie privée de la mère.
Plus encore, dans plusieurs affaires importantes, la Cour européenne a fait application de la Convention européenne à l’enfant dès avant sa naissance, en matière de droit à la vie, de respect de la vie privée, et même d’interdiction de la torture concernant la souffrance subie par le fœtus durant l’avortement. Dans plusieurs affaires la CEDH a jugé que la protection accordée par l’Etat au fœtus est justifiée par égard pour les « droits et libertés d’autrui » (affaires Costa et Pavan et Parrillo c Italie). Il en résulte, comme le souligne justement le Juge Pinto de Albuquerque, que « l’embryon est un « autrui », un sujet doté d’un statut juridique ».
C’est cela la raison fondamentale pour laquelle l’avortement ne pourra jamais être un « droit » subjectif : car nul ne peut avoir de droit arbitraire sur l’existence « d’autrui ». C’est aussi ce que déclare la Cour Suprême lorsqu’elle affirme que , « “l’avortement est différent [d’autres pratiques] parce qu’il détruit ce que Roe appelle une “vie potentielle” et ce que la loi [du Mississippi] appelle un “être humain à naître” ».
Il en résulte, comme la Cour européenne l’a dit clairement à plusieurs reprises, que le droit au respect de la vie privée « ne saurait […] s’interpréter comme consacrant un droit à l’avortement » (affaires A, B et C c. Irlande et P. et S. c. Pologne). D’ailleurs, au fil de sa jurisprudence, la Cour européenne a précisé que la Convention ne garantit aucun droit à subir un avortement, ni de le pratiquer, ni même de concourir impunément à sa réalisation à l’étranger. Elle a aussi jugé que l’interdiction de l’avortement ne viole pas, en soi, la Convention européenne. (affaires Silva Monteiro Martins Ribeiro c. Portugal, Jean-Jacques Amy c. Belgique, Jerzy Tokarczyk c. Pologne, A, B et C c. Irlande)
Ainsi, il n’existe pas de droit à l’avortement au titre de la Convention européenne des droits de l’homme, pas plus qu’au titre de la Constitution américaine. Cela est certain. D’ailleurs, les nombreux engagements internationaux pris par les États de réduire et de prévenir le recours à l’avortement prouvent que l’avortement n’est pas un droit, car s’il était réellement un droit fondamental, il serait absurde et injuste d’en prévenir l’usage.
Déguiser l’avortement en droit ne change rien à la nature de l’acte.
Il faut comprendre que les droits de l’homme ne sont pas créés par les juges et les parlements : ils préexistent. Les peuples les proclament, les déclarent et les reconnaissent, mais ne les créent pas. Qu’est-ce qu’un droit de l’homme ? C’est la garantie offerte par l’Etat à chaque personne de respecter sa faculté d’accomplir les potentialités de la nature humaine : penser, s’instruire, s’exprimer, prier, s’associer, fonder une famille. Les droits de l’homme ne garantissent pas n’importe quoi, mais protègent l’exercice des facultés humaines par lesquelles nous nous accomplissons en tant qu’êtres humains. Les droits de l’homme sont déduits de la nature humaine, et la protègent.
Mais peut-on dire qu’une femme s’accomplit et s’humanise en avortant l’enfant qu’elle porte ? Certainement pas, les souffrances causées par l’avortement sont là pour le démontrer. Si l’avortement était un droit, il ne ferait pas souffrir. Entre un droit fondamental et l’avortement, la différence de nature est patente. L’avortement ne pourra jamais être un « droit fondamental », car son objet premier, direct, est un mal : la destruction d’une vie humaine innocente, quelle que soit l’intention ou les raisons de cette destruction. Il ne sert à rien de hurler que l’avortement est un droit pour en faire un droit, ni même de l’inscrire dans la Constitution ou dans la Charte des droits fondamentaux. Cela ne change rien à la réalité de l’acte.
Alors oui, il n’existe pas de droit à l’avortement au titre de la Convention européenne, ni de la Constitution américaine. Mais, en revanche, il existe bien le droit à la vie qui est parfois défini comme garanti dès la conception. Ainsi, la Convention américaine des droits de l’homme dispose que « Toute personne a droit au respect de sa vie. Ce droit doit être protégé par la loi, et en général à partir de la conception. Nul ne peut être privé arbitrairement de la vie ».
À cet égard, la Cour européenne reconnaît que les États peuvent « légitimement choisir de considérer l’enfant à naître comme une personne et protéger sa vie ». Comme la Cour Suprême, la Cour de Strasbourg laisse les États libres de déterminer « le point de départ du droit à la vie » et par conséquent, d’autoriser, ou non, l’avortement (Affaire Vo c France).
Il s’agit là d’une concession faite par le juge pour tolérer juridiquement l’avortement, et elle repose sur un autre mensonge : savoir la distinction fallacieuse entre la réalité de « l’enfant à naître » et la notion juridique de « personne ». Pour permettre l’avortement, la CEDH se déclare incapable « de savoir si l’enfant à naître est une “personne” » alors même qu’elle reconnaît son appartenance « à l’espèce humaine » (affaire Vo c. France ). C’est ce mensonge qui permet aux juges de fermer les yeux sur l’avortement, et de laisser chaque État décider en la matière.
La situation est sensiblement la même, à présent, aux États-Unis où chaque État fédéré peut réguler ou interdire l’avortement.
C’est un progrès par rapport à la situation antérieure, mais ce n’est pas suffisant car la Cour suprême n’accorde pas encore de protection juridique à l’être humain avant la naissance. Il le faudra pourtant, notamment pour interdire les avortements tardifs, que la Cour suprême qualifie de « pratique barbare ».
La route est encore longue pour que la société occidentale reprenne conscience de la valeur de chaque vie humaine, même des plus faibles. Mais déjà, de plus en plus de médecins et de sages femmes refusent de pratiquer l’avortement. Il est de plus en plus évident qu’aspirer et broyer un fœtus, écraser son crâne et le démembrer pour l’extraire, ou lui faire une piqure de poison dans le cœur est un crime. C’est cela la réalité sanglante de l’avortement.
C’est parce que l’avortement est, en soi, un crime que ses promoteurs sont en panique morale depuis l’arrêt de la Cour suprême ; parce que ce crime apparaît au grand jour ; il n’est plus caché derrière le prétendu droit constitutionnel à l’avortement qui leur offrait une caution morale factice.
Ils sont en panique, même en France et en Europe, où la pratique de l’avortement est pourtant très loin d’être menacée. Leur panique révèle leur propre faiblesse, leur insécurité morale. Ils n’ont pas d’argument autres que l’invective et l’apologie de l’avortement.
Ils peuvent voter des résolutions à répétition, consacrer l’avortement comme un droit suprême, censurer les défenseurs de la vie humaine : tout cela ne changera rien. L’avortement restera un acte sanglant, un dogme tabou qui repose sur le sable du mensonge, et qui finira par s’effondrer ; car, à chaque génération nouvelle, les consciences pures de jeunes gens se révoltent contre ce crime qui crie justice au Ciel.