L’Agence de la biomédecine fait un premier bilan du protocole de don d’organes « Maastricht III »

Publié le 17 Fév, 2016

Dans la classification des donneurs décédés, une des catégories concerne « les personnes pour lesquelles une décision de limitation ou d’arrêt programmé des thérapeutiques est prise en raison du pronostic des pathologies ayant amené la prise en charge en réanimation » (cf. De la mort au don d’organes et quelles perspectives pour le don d’organes ?). Cette catégorie est dite Maastricht III, appelées aussi DDAC contrôlée (Donneur décédé après arrêt cardiaque contrôlé), qui signifie « arrêt circulatoire ‘attendu’ après limitation ou arrêt des supports vitaux ».

 

A l’occasion de la publication des chiffres concernant le don d’organes en France (cf. L’Agence de biomédecine se félicite de l’augmentation du nombre de greffes d’organes), l’Agence de la biomédecine a publié les premiers résultats de ce programme, rendu possible par la loi Leonetti de 2005. Elle rappelle en effet que « la loi Leonetti autorise l’arrêt des thérapeutiques chez des patients en fin de vie ». Mais elle autorisait aussi implicitement l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, des « supports vitaux » pour provoquer un arrêt cardiaque contrôlé. Un pas de plus a été franchi avec la loi Claeys leonetti, récemment votée (cf. Les députés et les sénateurs adoptent définitivement la loi fin de vie et font entrer dans le droit « la logique euthanasique »), qui légalise explicitement la sédation profonde et continue jusqu’au décès avec arrêt de l’alimentation et de l’hydratation. Une loi qui risque de facto de systématiser les possibilités de ce type de prélèvements. Ce qui ne fera qu’aggraver les problèmes éthiques (cf. La sédation, une aide pour accompagner fin de vie ou un instrument pour y mettre un terme ? et La CMP vote la proposition de loi Claeys Leonetti, un texte sur l’euthanasie qui ne dit pas son nom).

 

En février 2013 (cf. La question du prélèvement d’organes sur donneurs décédés après arrêt cardiaque contrôlé), après « une phase de réflexion éthique et médico-scientifique », les parlementaires ont demandé « à l’Agence de la biomédecine d’engager l’élaboration d’un protocole en collaboration étroite avec les professionnels afin de définir les conditions techniques de sa mise en œuvre ». Le prélèvement d’organes sur personnes décédées des suites d’un arrêt cardiaque après arrêt des traitements a été inscrit dans les axes stratégiques du Plan greffe II, avec pour objectif d’augmenter de 10 à 40% le nombre de greffons disponibles.

 

Le programme a débuté en décembre 2014 (cf. Le « dilemme assumé » du don d’organes sur donneurs décédés après arrêt des thérapeutiques actives) par une phase pilote qui, à peine un an plus tard, vient de s’achever et fait déjà l’objet d’une évaluation.

 

Trois grands principes ont présidé à la mise en place du protocole :

  • La décision d’arrêt ou de limitation des traitements (LAT) est indépendante de la possibilité du don d’organes.
  • L’étanchéité des équipes.
  • La démarche auprès des proches « réalisée avec un délai entre l’information sur la décision de LAT et celle du don d’organes ».

 

A ce jour, 5 établissements ont été autorisés : Annecy depuis novembre 2014 et La Roche-sur-Yon depuis septembre 2015, La Pitié Salpêtrière (AP-HP) depuis avril 2015, Nantes depuis mai 2015 et Kremlin Bicêtre (AP-HP) depuis décembre 2015. 15 donneurs ont été prélevés d’au moins un organe, soit 48% des donneurs, pour 26 greffes rénales fonctionnelles.

 

L’Agence de la biomédecine fait état d’un « bilan positif » et « recommande l’extension de l’âge des donneurs à 65 ans et l’extension du programme à d’autres centres ». Pour autant, certains établissements n’ont mis en place le programme que depuis quelques mois. Quel recul ces équipes peuvent-elles effectivement avoir sur la mise en œuvre des prélèvements d’organes sur ces patients ? Indépendamment même des questions éthiques et des inquiétudes, les conclusions ne sont-elles pas un peu hâtives pour un programme pilote à peine ébauché qui va de plus subir des modifications du fait de l’application de la loi Claeys Leonetti ?

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