La Naprotechnologie : une assistance médicale pour une procréation naturelle

Publié le 18 Juil, 2016

Lactualité de ce début d’éest marquée par la persistance de nos institutions à élargir le cadre de la procréation médicalement assistée (PMA)[1]. L’effervescence régulière[2] sur ce sujet laisse à penser que cette technique artificielle de conception d’un enfant constitue la seule voie pour les couples hypofertiles. Pourtant, il est possible de restaurer sa fertilité naturellement avec la naprotechnologie, une médecine pluridisciplinaire, qui commence à émerger en France. Enquête Gèthique.

 

La NaProTECHNOLOGIE, la« Natural Procreative Technology », vient des Etats-Unis. Il s’agit d’une nouvelle science médicale de la reproduction humaine. Ni médecine parallèle, ni pratique ésotérique, précise le docteur Laure L., médecin français qui s’est spécialisée dans ce domaine, mais bien une médecine interdisciplinaire inscrite dans le cadre d’une médecine classique. Elle permet à de nombreux couples hypofertiles d’avoir des enfants grâce à une connaissance des signes de fertilité de la femme, permettant des diagnostics, et des soins médicaux ou chirurgicaux personnalisés.

 

La NaProTECHNOLOGIE s’appuie donc sur une méthode d’auto-observation qui permet d’identifier avec le couple demandeur des signes indicateurs d’hypo ou d’hyperfertilité, pour les restaurer ou les réguler. « L’enjeu se situe tout autant du côté de la santé gynécologique que de celui de la connaissance d’une réalité corporelle », explique Juliette Chové, sage femme et auteur d’un livre sur le sujet[3]. Dans les cas d’hypofertilité, auxquels s’attachera cet article, la NaProTECHNOLOGIE propose le suivi très régulier d’une instructrice et d’un médecin, tous deux formés et diplômés de Fertility Care[4].

 

Les couples acteurs de leur fertilité

Elisabeth de Sansal est instructrice depuis quatre ans. Elle explique que les couples touchés par des problèmes d’infertilité sont en attente d’une réponse qui n’est pas forcément celle que la société leur offre à travers la PMA. En effet, la première préoccupation des couples en désir d’enfant n’est pas « Donnez-moi un enfant » mais « Pourquoi moi, je n’arrive pas à avoir d’enfant ? ». A cette question, la NaProTECHNOLOGIE n’apporte pas de solution toute faite, qui agirait comme une sorte de pansement, mais elle vise une « compréhension de ce qui se passe et un remède naturel ».

En cela, elle est « volutionnaire ». Elle apporte une réponse là où la médecine actuelle a perdu « l’orientation du bien thérapeutique de la personne pour se diriger vers une obligation de résultat », explique Elisabeth. Les instructrices accueillent régulièrement des couples qui ont préalablement suivi un parcours de PMA. Sans succès. Ils expriment tous le même sentiment : leur inquiétude première (pourquoi ne puis-je pas avoir un enfant naturellement ?) n’a pas été écoutée ou comprise. Bien souvent, ils estiment avoir subi un processus médical lourd, sans questionnement et comme s’ils n’avaient pas eu le choix. La NaProTECHNOLOGIE, quant à elle, insiste justement sur l’écoute (1h30 d’entretien en couple tous les 15 jours au début), et sur leur participation : ils sont acteurs d’un processus où ils apprennent à décrypter tous les signes indicateurs de fertilité.

 

Un diagnostic sur mesure fondé sur l’auto-observation

La phase « diagnostic » se mène sur plusieurs mois, pour prendre le temps d’observer le cycle de la femme. Il ne s’agit pas de dire à une femme : « Voilà ce que vous n’êtes pas, et voilà ce que vous devriez être en théorie», mais de comprendre son propre cycle pour lui apporter un traitement adapté. Souvent dans le suivi gynécologique actuel, on considère que la femme ovule au 14ème jour et qu’elle a ses règles au 28ème jour. Alors qu’en pratique, aucun cycle ne se ressemble, particulièrement chez un couple qui connait des problèmes de fertilité ! Aussi, la NaProTECHNOLOGIE met en place un suivi gynécologique de la femme, notamment à partir de l’observation des saignements menstruels et de la glaire cervicale, selon des critères objectifs, standardisés, définis par le professeur Hilgers. C’est à partir de ce suivi unique, basé sur les observations du couple, que l’instructrice et le médecin vont identifier, puis diagnostiquer, des symptômes à corriger.

Juliette Chové évoque par exemple le spotting pré-menstruel, ces petits saignements avant les règles qui peuvent être signe d’infertilité, mais qui ne sont pas identifiés en médecine classique et entrent dans le cadre des « infertilités inexpliquées » ; ou le syndrôme pré-menstruel, un ensemble de symptômes plus ou moins invalidants d’avant les règles et qui cessent avec elles : insomnie, maux de têtes, sensation de déprime, fringales, gonflements, prise de poids… La collaboration du mari est ici essentielle. Ces observations de la période pré-menstruelle permettent de s’interroger sur la qualité de la période post-ovulatoire. « Souvent un syndrôme pré-menstruel est en lien avec une insuffisance lutéale[5] », explique-t-elle, « elle indique une insuffisance de production de progestérone, révèle une anomalie de l’ovulation et peut induire des fausses couches par exemple ». L’observation de la qualité de la glaire peut conduire à diagnostiquer des ovaires polykystiques, ou à constater : quand elle est inexistante ou en quantité insuffisante, la glaire ne permet pas aux spermatozoïdes de monter dans le col de l’utérus. Ce qui classe habituellement le couple dans la catégorie de l’« infertilité inexpliquée ». Parmi les autres causes repérables, on peut noter que la durée de la phase post-ovulatoire peut être en lien avec une insuffisance ovarienne, ou les douleurs de règles avec une endométriose… Enfin, l’hygiène de vie, l’alimentation, la réduction des sources de stress… sont très importants à prendre en compte et à équilibrer.

 

Des examens médicaux personnalisés

Cette observation personnalisée du cycle de la femme est complétée, confortée par les examens médicaux que le médecin accompagnateur jugera nécessaires pour « pousser le diagnostic au plus loin », explique le docteur L. Elle évoque par exemple les bilans du profil hormonal de la patiente, qui seront très précis en NaProTECHNOLOGIE car prescrits au moment qui correspond au cycle en cours : 7 jours après le pic d’ovulation plutôt qu’au 21ème jour du cycle, comme préconisé en  gynécologie courante, sans que la particularité de chaque cycle soit prise en compte. De même, le monitorage échographique de l’ovulation est grandement facilité par l’observation du tableau de fertilité. Les bilans échographiques permettront aussi de vérifier l’anatomie de la patiente, et le spermogramme la fertilité de l’homme. D’autres examens seront menés pour vérifier la perméabilité des trompes ou diagnostiquer une endométriose, si celle-ci est passée inaperçue au moment d’une IRM. Ces examens médicaux sont toujours « très personnalisés » précise le docteur L., étant liés essentiellement au tableau d’observation du couple, qui reste « complètement partenaire, acteur et responsable de sa prise en charge », conclut-elle. Ce temps d’échange avec le couple a un « impact très fort sur sa capacité à traverser cette épreuve de l’infertilité », il ne faut pas « sous-estimer le pouvoir de la parole », insiste-t-elle.

 

Un travail interdisciplinaire dans le respect du corps de la femme et de l’enfant

La parole peut être, en quelque sorte, le premier traitement de l’infertilité du couple. Elle permet de faire émerger des paramètres psychologiques essentiels. Le seul fait de « dire » en couple à l’instructrice peut décharger des pressions plus ou moins conscientes. Une instructrice se souvient d’un couple dont la femme s’orientait vers l’adoption alors que l’homme n’y était pas prêt. Une fois ce décalage exprimé, le couple a conçu naturellement.

Il arrive qu’une psychothérapie soit nécessaire, comme pour cette femme qui n’avait pas de glaire. Enfant, elle avait été maltraitée, et ne se sentait pas la force d’être mère. « Elle somatisait cette angoisse et son lourd passif », explique l’instructrice. Après une psychothérapie, le couple a conçu naturellement.

« Le suivi d’un sexologue peut aussi être nécessaire », poursuit-elle. Ces facteurs psychologiques sont d’ailleurs de plus en plus pris en compte en PMA, car les médecins réalisent que ce type d’accompagnement donne de meilleurs résultats que des FIV[6].

Mais les traitements peuvent aussi être médicaux. A quelques différences près, certains produits sont identiques à ceux utilisés en PMA. Cependant, explique le docteur L., « nous nous basons sur l’observation du couple afin d’ajuster les paramètres selon la femme ». Ensuite, si une stimulation ovarienne est nécessaire, les doses prescrites seront différentes de celles utilisées en PMA : « Notre but n’est pas d’hyperstimuler l’ovaire », explique-t-elle, nous ne voulons pas « forcer la nature mais la restaurer au plus près de la physiologie ». A ce sujet, Elisabeth, instructrice, précise que « la stimulation ovarienne mal dosée augmente le risque de fécondations multiples qui peuvent provoquer des complications voire des pertes fœtales, ce qui pose un problème éthique ».

Enfin, les traitements de l’infertilité peuvent être divers et nécessiter l’intervention de chirurgiens (pour traiter l’endométriose, les kystes organiques, les adhérences,…par exemple), de radiologues (pour restaurer la perméabilité des trompes etc…). Des traitements classiques, mais toujours menés dans l’écoute, le respect du corps, et sur un temps donné : pas plus de 18 mois.       

 

Une méthode naturelle politiquement incorrecte 

La NaProTECHNOLOGIE est donc une approche scientifique et médicale du suivi de la fertilité de chaque couple. Une compétence qui attire pour des raisons diverses : c’est une médecine écologique, une méthode naturelle, une dernière chance après l’échec douloureux d’une PMA, ou le rejet de la « machine » médicale… Pourtant la NaProTECHNOLOGIE n’est ni promue par la société, ni connue du corps médical en France, alors que ses taux de réussite sont du même ordre que ceux de la PMA.

Pour les instructrices cela s’explique. Ce parcours impose de s’extraire de la « logique contraceptive de notre société », dont le pendant est « l’enfant immédiatement » lorsqu’il est désiré. Or, la NaProTECHNOLOGIE a besoin de temps pour accueillir une réalité corporelle méconnue.

Pour le docteur L., cette situation n’est pas une fatalité. Il y a 20 ans, elle a travaillé dans l’une des premières unités de soins palliatifs, à l’époque où c’était une médecine totalement méconnue. Aujourd’hui, les soins palliatifs sont incontournables ! Il n’est donc pas impossible que l’assistance médicale à la procréation naturelle le devienne à son tour. Dans quelques années. 

 

 

Petite histoire de la NaProTECHNOLOGIE

1990 : création du terme par un gynécologue-obstétricien américain, le Dr Thomas Hilgers
1998 : importation en Europe par un médecin généraliste irlandais, le Dr Phil Boyle
2010 : 1ères consultations possibles en France

2016 : 8 médecins spécialisés et 24 institutrices en France

Pour aller plus loin : http://www.fertilitycare.fr/naprotechnologie.html

 

Quelques chiffres

1/ La PMA (Rapport de l’Agence de la Biomédecine, 2014) :

  • En 2013, 140 519 tentatives d’AMP réalisées pour 23 651 naissances, soit 2,9% des naissances.
  • Taux de « réussite » des FIV : 20% (en 2013 : 84 126 tentatives de FIV ont donné lieu à 17 142 naissances)
  • Taux de « réussite » Inséminations artificielles : 10% (en 2013 : 56 393 tentatives d’insémination pour 6 509 naissances).

2/ La NaProTECHNOLOGIE (Statistiques irlandaises) :

Femmes de moins de 40 ans :

  • sans tentative de FIV : 40 à 50% de grossesse,
  • après échec de FIV : 20 à 30% de grossesse,
  • après fausses couches à répétition : 80% de grossesse.

Pour 1 couple sur 3, le parcours de naprotechnologie conduit à une grossesse.

 

[1]Le Conseil d’Etat autorise l’insémination post mortem : cf. Insémination post-mortem, la dérive de la décision du Conseil d’Etat, tandis que le gouvernement abroge un texte pénalisant les gynécologues prenant en charge des patientes ayant bénéficié d’une PMA à l’étranger, cf. Tourisme procréatif : Marisol Touraine justifie l’abrogation du « texte de janvier 2013 » 

[3] Soyez féconds et multipliez-vous, Juliette Chové, Editions Pierre Téqui.

[4] Programme accrédité par l’American Academy of FertilityCare Professionals (AAFCP) – Cliquez ici pour connaître le programme de la formation 2016-2017.

[5] Insuffisance de production de progestérone par le corps jaune.

[6] Les verrous inconscients de la fertilité, Joëlle Desjardins-Simon.

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