L’audition organisée par la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes à l’occasion de la journée mondiale de l’IVG ne mobilise pas.
A l’occasion de la journée internationale de l’IVG du 28 septembre, la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes organisait une audition à l’Assemblée nationale, du Planning familial et de l’Association nationale des centres d’IVG et de contraception (ANCIC). Le choix des orateurs semble particulièrement significatif de la teneur des propos des intervenantes, toutes des femmes, car comme le rappellera Emmanuelle Lhomme, coprésidente de l’ANCIC, le partenaire peut ne pas être d’accord avec la décision de la femme, tant pis, « c’est la femme seule qui décide ». Exit messieurs, mais votre éviction de ces sujets est coutumière…
Cette mise au point étant faite, le dialogue de femmes est engagé par Marie-Pierre Rixain, députée de la République en Marche, présidente de la délégation, qui entend « réaffirmer notre profond engagement en faveur des droits à l’IVG », « une condition essentielle de la liberté des femmes » qui doit lui permettre « un choix libre et éclairé » quant à sa vie sexuelle.
Ouvrant les prises de parole, Laurence Esterele, coprésidente de l’ANCIC, expliquera en préambule que l’ANCIC a réalisé, entre autres activités, une plaquette IVG ZOOM essentiellement pour lutter contre tout ce que les sites de désinformation ont pu dire (cf. IVG : les risques médicaux encourus par les femmes ). La chasse aux sorcières est ouverte. Sans être virulente, elle ponctuera régulièrement les propos. Plus tard, Caroline Rehbi, du Planning familial demandera une évolution du délit d’entrave pour que les associations, et pas seulement les femmes qui hésitent trop souvent à mener une procédure longue, puissent porter plainte.
Tout en se réjouissant des évolutions apportées par le projet de modernisation de notre système de santé (cf. La nouvelle clandestinité des femmes face à l’IVG), Emmanuelle Lhomme, coprésidente de l’ANCIC, a souligné que les IVG instrumentales hors établissements de santé n’avait pas encore reçu leur décret d’application, que l’accès était encore difficile et que les femmes n’avaient bien souvent pas le choix entre IVG instrumentales et médicales. Espérant que les sages-femmes pourraient prochainement procéder à des IVG instrumentales, dénonçant le manque de confidentialité… Elle était appuyée plus tard par Caroline Rebhi du Planning Familial qui a expliqué que les femmes ayant souffert d’une IVG médicamenteuse (cf. Etude sur l’IVG médicamenteuse : « Je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie. Une douleur sans nom » ), pouvaient souhaiter que la deuxième se fasse par aspiration, mais n’en avait pas forcément la possibilité.
Elle a poursuivi en donnant quelques chiffres. Le planning familial reçoit 400 000 personnes par an, 60000 en consultation médicale IVG/Contraception et rencontre 120 000 jeunes pour leur parler d’éducation à la sexualité dans les écoles ou directement au Planning. Le plus étonnant a certainement été d’entendre à l’Assemblée nationale que la Planning familial violait délibérément la loi en envoyant chaque année entre 6 et 7 000 femmes à l’étranger, en Hollande, en Angleterre, ou en Espagne, pour se faire avorter parce qu’elles avaient dépassé les délais autorisés. Pas de réaction. Tout semble normal. Ce sera l’occasion pour Danielle Gaudry, gynécologue, d’expliquer que la loi actuelle « est bonne », mais qu’il faut « améliorer les délais », c’est-à-dire, les repousser. Elle regrette que les praticiens et les établissements de santé aient du mal « à entendre que les femmes ne veulent pas être enceinte » et émettent le vœu que les ARS incitent les établissements à la pratique des IVG. Elle souhaite que des campagnes d’informations soient menées pour valoriser un « droit à ne pas poursuivre sa grossesse » et un « droit à la contraception » qui n’ont jamais existé au niveau national et qui n’ont pas perduré en Ile de France. Elle souhaite que la France, en avance sur l’IVG par rapport à d’autres pays, reste moteur sur ce « droit » (cf. L’avortement ne pourra jamais être un « droit fondamental », ni une « liberté »).
Sur la clause de conscience, des avancées. Tant Chantal Birman, vice-présidente de l’ANSFO[1], qu’Emmanuelle Lhomme s’accordent pour dire qu’elle est importante et que seules les sages-femmes qui souhaitent pratiquer des IVG le fassent, pour éviter « la maltraitance des populations ». Emmanuelle Lhomme remerciant, dans un lapsus, « les praticiens militants qui se dévouent à cette pratique » mais pointant que cette liberté laissée aux professionnels de santé, pouvait limiter l’accès à l’avortement, « comme c’est le cas en Italie ». Laurence Esterle, coprésidente de l’ANCIC, a ajouté que plus de 80% des IVG étaient réalisée par des établissements du secteur public, le secteur privé s’étant largement désengagé de ces problématiques.
Compte tenu de la polémique récente autour de la pilule (cf. “J’arrête la pilule” : Une remise en cause de la contraception hormonale et Une enquête confirme la désaffection des femmes vis à vis de la pilule), la question sera abordée. Sans s’étendre. On rappelle tout d’abord, que concernant sa nocivité, rien n’est prouvé quoique « ses effets secondaires soient normaux » comme le précisera, sans craindre la contradiction, la gynécologue. Ce sera l’occasion pour Caroline Rehbi, de demander que la contraception soit remboursée à 100% même après 18 ans pour les étudiantes et… les sans-papiers, pour éviter que les femmes ne soient obligées de changer de contraception.
Abordé aussi le sujet des interventions en milieu scolaire. Emmanuelle Lhomme déplorera le manque de financement : des générations d’élèves de l’école élémentaire au lycée n’auront pas d’informations sur IVG et contraception. La demande est énorme et ne peut être honorée.
Tout en se réjouissant des avancées légales, que ce soit celles introduites par la loi santé ou le délit d’entrave, et de l’appui des pouvoirs publics en matière de contraception et d’IVG, les intervenantes de cette audition ont semblé fragilisées, dans des positions de moins en moins défendables, acceptant des concessions, comme celles sur la clause de conscience, jusqu’ici inimaginables.
Pour aller plus loin :
Précarité, situation familiale, contraception… les facteurs de risque de l’avortement
L’obligation des Etats de prévenir le recours à l’avortement
[1] Association Nationale des Sages-Femmes Orthogénistes.