Dans deux communiqués de presse publiés le 1er décembre [1], l’association Juristes pour l’enfance dénonce la complaisance de la France face aux contrats de gestation par autrui (GPA).
Des contrats exécutoires en France ?
Un projet de code de droit international privé a été remis à M. Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice. L’article 63 de ce projet est spécifiquement consacré à la question de la filiation des enfants conçus par GPA réalisée à l’étranger.
Il dispose que « lorsqu’une convention portant sur la procréation ou la gestation pour autrui a été conclue dans un État qui l’autorise, la filiation de l’enfant qui en est issu peut être établie par le juge selon la loi de cet État, si une partie en fait la demande. Le juge s’assure au préalable que la convention a été conclue et exécutée dans le respect des dispositions du droit de l’État en cause ».
Même si la GPA est une pratique illicite en France (cf. GPA : un site internet « manifestement illicite »), cette disposition donnerait au juge la possibilité de reconnaitre la filiation des enfants nés de mères porteuses, et ainsi de rendre exécutoires les contrats de GPA conclus à l’étranger.
« Un contournement légal » du droit
« Ecarter ainsi la loi française prive (..) l’enfant et les femmes de la protection que la loi française leur assure lorsqu’elle invalide la GPA » alerte Juristes pour l’enfance. « Ce contrat est contraire à la dignité de la personne humaine car il fait de l’enfant l’objet d’une commande et d’une livraison, et fait de la femme l’instrument de production d’un enfant » rappelle l’association.
Juristes pour l’enfance souligne également que cet article est « un contournement légal de la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur l’adoption internationale par laquelle les Etats se sont engagés à protéger les enfants contre les trafics en refusant l’adoption lorsque le consentement des parents biologiques a été obtenu avant la naissance et/ou moyennant finance ».
Dès lors ils sollicitent le retrait de cet article.
Un contrat préjudiciable pour l’enfant
L’association déplore par ailleurs les « nombreux préjudices pour l’enfant : privation de lignée maternelle, effacement de la filiation biologique au profit de la filiation d’intention convenue par les contractants » qu’entraine le recours à la gestation par autrui.
Elle rappelle aussi que les contractants exercent « une prérogative de propriétaire, ce qui renvoie à la définition de l’esclave donnée par la Convention de Genève comme par le code pénal français : l’individu sur lequel s’exerce un des attributs du droit de propriété ».
Fort de ces constats, Juristes pour l’enfance suggère que la France précise « le délit d’entremise en vue de la GPA afin que les sociétés étrangères qui démarchent des Français et commercialisent des offres de GPA tombent sous le coup de la loi, même lorsque les GPA sont réalisées ensuite à l’étranger ». Elle recommande également que « des poursuites pénales contre les intermédiaires qui proposent la réalisation de GPA » puissent être diligentées et qu’« un délit spécifique de recours à la GPA en France comme à l’étranger » soit introduit dans la loi.
Reste à savoir si ces alertes porteront des fruits, ou si la France franchira la « ligne rouge » de la GPA (cf. GPA : Emmanuel Macron réaffirme « les lignes rouges ». Et en pratique ?).
[1] Juristes pour l’enfance, GPA, harcèlement scolaire, porno : Juristes pour l’enfance adresse ses recommandations au Comité des droits de l’enfant de l’ONU (CRC) (01/12/2022) ; Un projet de code de droit international privé en préparation au sein du ministère de la Justice prévoit l’application par le juge français des lois étrangères organisant la GPA (01/12/2022)