Alors que le projet de loi sur la fin de vie est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, 75 parents et proches de personnes porteuses de déficience intellectuelle s’inquiètent de ce texte (cf. Euthanasie, suicide assisté : sur quoi vont plancher les députés lors de leur 1ère lecture du projet de loi ?). Ensemble, ils demandent, dans une tribune publiée par le Figaro, l’interdiction explicite de l’euthanasie et du suicide assisté pour tous ceux qui sont touchés par ces déficiences.
« Une menace réelle »
« Le projet de loi débattu actuellement est une menace réelle » pour les personnes porteuses de déficience intellectuelle, comme la trisomie 21, qui risquent d’être victimes de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, alertent proches et familles. Ils appellent à « un sursaut d’humanité et de raison ».
« Le critère d’ “affection grave et incurable”, mentionné dans le projet de loi actuel, n’est-il pas littéralement le même que celui qui permet aujourd’hui l’avortement “thérapeutique” des enfants porteurs de trisomie 21 jusqu’à la veille de leur naissance ? » En outre, « l’euthanasie pour seul motif de déficience intellectuelle n’est-elle pas déjà pratiquée aux Pays-Bas ? » pointent les signataires (cf. Pays-Bas : des personnes euthanasiées seulement en raison de leur déficience intellectuelle).
Des vies considérées comme « un poids » ?
Les personnes porteuses de handicap intellectuel ont besoin d’être aidées, d’être soutenues. Leurs proches et leurs familles craignent qu’elles ne soient considérées comme « un poids », ce qui pourrait conduire demain à « mettre fin à leurs jours plus tôt que prévu », car cela serait « plus simple » et « plus digne pour eux ».
En 2016, Jacqueline Herremans, présidente belge de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), avait ainsi dénoncé la « terrible responsabilité des parents qui décident de la naissance d’un enfant trisomique », « vis-à-vis de l’enfant, de sa fratrie, et de la société ». Elle trouvait « fabuleux que l’on puisse éviter de créer du malheur » en éliminant ces enfants, rappellent les signataires de la tribune.
Ils ne demandent « rien d’autre que d’être entourés et protégés »
Familles et proches s’inquiètent également du message envoyé au personnel médical. Le projet de loi incitera à « céder au désespoir, à la pression sociale ou aux restrictions budgétaires, et à baisser les bras en mettant volontairement fin à une vie jugée trop encombrante » dénoncent-ils.
Les personnes porteuses de handicap intellectuel ne demandent « rien d’autre que d’être entourées et protégées » soulignent les signataires de la tribune. « Elles représentent un défi à la société moderne parce que leur vie ne peut pas être programmée ou maîtrisée » poursuivent-ils (cf. La rencontre de notre vulnérabilité : première étape, pour devenir humain !). « Elles prennent les choses comme elles viennent, avec innocence ». « Elles n’ont pas toujours la faculté de prendre une décision libre et éclairée et peuvent répondre “oui” pour faire plaisir. »
Alors qu’ils expérimentent chaque jour « que le geste technique ne peut pas remplacer l’assistance humaine », les signataires craignent que les personnes porteuses de déficience intellectuelle en soient privées quand ils ne seront plus là.
« Nous refusons qu’on puisse un jour leur imposer une mort planifiée »
Même si des initiatives aident à changer le regard porté sur les personnes qui ont un « p’tit truc en plus », les signataires craignent qu’elles ne suffisent pas « à contrebalancer les messages insidieux du projet de loi : que notre société sera plus belle sans ceux qui souffrent, et que la vie n’a de sens que quand on est en bonne santé » (cf. Fin de vie : « c’est le système de valeur de la société avec ses repères qu’il nous faut reconsidérer »).
« Nous refusons qu’on puisse un jour leur imposer une mort planifiée qui serait le cache-sexe d’une société incapable de les accueillir et de les accompagner ». « Ils ne doivent pas devenir les victimes d’une médecine tournée vers la performance où donner la mort sera l’arme suprême pour éliminer la vulnérabilité » alertent proches et familles.
Pour protéger les personnes porteuses de déficience intellectuelle, « le seul “garde-fou” valable est l’interdit de tuer » affirment les signataires de la tribune. A défaut de mieux, ils demandent aux députés de « les exclure explicitement du projet de loi actuel ».
Un amendement avait été déposé en commission par une députée afin d’exclure le handicap mental du dispositif d’« aide à mourir », mais il a été rejeté, déplorent les proches et familles (cf. Euthanasie, suicide assisté : la commission spéciale adopte le projet de loi « le plus permissif au monde ») .
Source : Le Figaro, Tribune collective (04/06/2024)