Jeanette Lodoen, une artiste de Saskatoon, une ville de la province de Saskatchewan, a accordé au média CBC News « un accès illimité aux dernières semaines avant, pendant, et après sa mort ». « Moments familiaux les plus intimes », rendez-vous médicaux, et même mort assistée : les journalistes ont assisté à tout. Elle a été euthanasiée le 10 février dernier.[1]
Rendre le suicide poétique ?
« Une douzaine d’enfants et d’adultes sont assis autour de la grande table de la salle à manger. En son centre, un panneau de deux mètres d’érable et de bouleau de la Baltique. C’est le couvercle du cercueil de Jeanette Lodoen.
Une arrière-petite-fille prend un crayon et dessine une petite fleur bleue sur le couvercle. Son père trempe un pinceau dans une palette d’aquarelle et peint un oiseau vert et orange. D’autres remplissent la surface en bois d’empreintes de mains ou de poésie.
En tête de table, bouteille d’oxygène et déambulateur à ses côtés, Jeanette regarde et sourit. “Juste merveilleux. Merci beaucoup à tous.”, leur dit-elle. » Le récit se veut doux, lumineux, poétique. Pourtant le lendemain de cette scène de vie, la mort de Jeanette est programmée.
Imposer son suicide à ses proches ?
Le 10 février ses proches sont là. Le Dr Weiler, qui a approuvé son euthanasie, leur demande de quitter le salon. Il lui fait signer un formulaire de consentement, remonte la manche de Jeanette et lui insère une intraveineuse. Tous les produits sont prêts : le médecin a rempli différentes seringues avec un sédatif, un anesthésique, une substance induisant le coma et une autre pour arrêter la respiration, « conformément aux directives de l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires d’AMM[2] ».
« Tout le monde s’entasse dans le petit salon. La plupart pleuraient. »
Jeanette était âgée, mais pas en fin de vie. A 87 ans, elle souffrait d’arthrose, son ouïe avait baissé et sa DMLA[3] progressé. Ses organes commençaient à fatiguer. Quelques années plus tôt, la sœur de Jeanette a été euthanasiée.
Jeanette affirme avoir partagé son histoire parce qu’elle voulait que « les familles, les professionnels de la santé et les législateurs qui prennent des décisions sur l’aide médicale à mourir voient exactement à quoi cela ressemble ». Ne serait-ce pas plutôt pour laisser une trace, un souvenir à ses proches ? Car renoncer aux jours qu’il reste, même s’il y en a peu, c’est quand même renoncer à la vie.
Alors qu’un chercheur de l’université d’Ottawa a récemment publié un ouvrage où il fait la promotion du suicide assisté (cf. Canada : Lutter contre le « suicidisme » en prônant le suicide assisté) et qu’une enseigne de mode avait réalisé une campagne de communication autour d’une euthanasie (cf. « Tout est beauté » : une enseigne de mode fait la promotion de l’euthanasie), le Canada aurait-il définitivement « normalisé » le suicide ?
Désormais « plus de 10 000 Canadiens » recourent à l’ « aide médicale à mourir » chaque année au Canada. « Sa popularité grandit dans chaque province et territoire », avec le concours des médias, des entreprises et de certains universitaires. Dans le Saskatchewan, l’augmentation a été de 55 % en un an.
[1] CBC, ‘A good death’, Jason Warick (04/06/2023)
[2] Aide médicale à mourir
[3] Dégénérescence maculaire liée à l’âge
Photo : Rudy and Peter Skitterians de Pixabay