Euthanasie en Belgique : toujours plus

Publié le 12 Nov, 2020

En Belgique, le neuvième rapport la Commission fédérale de Contrôle et d’Evaluation de l’Euthanasie (CCEE) vient d’être publié pour les années 2018-2019. Avec ce document destiné au législateur, la CCEE doit se prononcer tous les deux ans sur la conformité de la pratique « aux conditions et à la procédure prévue par la loi ». L’Institut européen de bioéthique en livre son analyse.

Un nombre d’euthanasies toujours à la hausse

Depuis 2002, 22.081 personnes ont été euthanasiées « officiellement » en Belgique. 2359 en 2018, 2656 en 2019. Soit une augmentation de 12,6 % des euthanasies déclarées l’année dernière. Mais la Commission rappelle, comme à chaque fois, qu’elle « n’a pas la possibilité d’évaluer la proportion du nombre d’euthanasies déclarées par rapport au nombre d’euthanasies réellement pratiquées ». « Autrement dit, ces chiffres ne traduisent qu’une partie de la réalité de l’euthanasie en Belgique » estime l’Institut européen de bioéthique.

La répartition en fonction des âges indique que 58% des euthanasies concernent des patients âgés de 40 à 79 ans, 40% des patients de plus de 79 ans. En 2019, un mineur a été euthanasié.

Davantage d’euthanasies dans les maisons de retraite

Sur les deux années considérées par le rapport, les euthanasies ont eu lieu plus fréquemment à domicile, pour près de la moitié d’entre elles. Dans le même temps, le taux d’euthanasies pratiquées à l’hôpital diminue pour atteindre 37%. Fait notable : la proportion des personnes euthanasiées en maisons de repos et de soins a triplé par rapport aux années 2002-2003 pour atteindre 16%.

Par ailleurs, l’analyse de l’Institut européen de bioéthique montre que « le pic d’âge concernant les déclarations d’euthanasies pour polypathologie se situe dans la tranche 80-89 ans ». Et « la forte augmentation du nombre d’euthanasies pour cette tranche d’âge ces six dernières années pose question ». Cela traduirait-il « une acceptation sociétale de l’euthanasie pour les personnes âgées » interroge l’Institut européen de bioéthique ? Pour la Commission, « ce groupe continuera encore probablement à augmenter ».

De plus en plus d’euthanasies pour des patients qui ne sont pas en fin de vie

Dans la majeure partie des cas (62%), les demandes d’euthanasies sont liées à des cancers. Mais pour 28 patients, le médecin estimait que le patient n’était pas en fin de vie et ne décèderait pas à brève échéance. Une tendance observée plus généralement. Comme le relève l’Institut européen de bioéthique, « sur les 10 dernières années, on constate une augmentation des euthanasies des personnes dont le décès n’est pas prévu à brève échéance ». Leur taux a plus que doublé depuis 2010 pour atteindre 17% des euthanasies en 2019.

Pour la Commission, « quand le décès est attendu dans les jours, semaines ou mois qui viennent, il peut être considéré comme prévisible à brève échéance ». Elle considère aussi que « dans le cas de patients irréversiblement inconscients dont l’échéance du décès est indéterminée, le décès doit toujours être considéré comme étant attendu à brève échéance ». Une interprétation unilatérale de la Commission souligne l’Institut européen de bioéthique. Pour 1% des euthanasies sur la période 2018-2019, des personnes dans « un état de coma jugé irréversible » ont été euthanasiées sur la base de déclarations anticipées. « Un pourcentage en baisse depuis plusieurs années. »

L’euthanasie comme alternative au suicide ?

« 105 personnes souffrant de troubles mentaux et de comportement ont été euthanasiées au cours de la période 2018-2019 » indique l’analyse de l’Institut européen de bioéthique. Là encore, un chiffre en hausse par rapport à la période précédente. La CCEE pointe en particulier que le nombre d’euthanasies pour troubles cognitifs (démence) a doublé en 2018-2019 par rapport à 2016-2017, passant de 24 à 48. Pour 43 d’entre eux, le décès n’était pas attendu à brève échéance.

En ce qui concerne les « jeunes » patients psychiatriques, « le caractère insupportable et persistant de la souffrance était fréquemment associé à des expériences du passé comme des abus sexuels, des délaissements étant enfant, des rejets par les parents, des comportements autodestructeurs et des tentatives de suicide » indique le rapport. Pour la Commission « les tentatives de suicide ratées ont fait prendre conscience aux personnes concernées qu’il existait aussi une autre façon, plus digne, de mettre fin à ses jours » : l’euthanasie. L’euthanasie est-elle un suicide « plus digne » ? s’étonne l’Institut européen de bioéthique

Un tourisme de l’euthanasie ? et des morts « utiles » ?

La Commission note également qu’« au moins 45 patients résidant à l’étranger ont été euthanasiés en Belgique » (cf. synthèse UK). Des patients principalement âgés de 60 à 89 ans dont la mort n’était pas attendue à brève échéance pour près de la moitié d’entre eux.

Par ailleurs, « bien que les médecins ne soient pas tenus de mentionner le don d’organes dans la déclaration, cela a été mentionné chez 11 patients sur les 18 officiellement déclarés à la Belgian Transplantation Society ». Ces patients souffraient d’une maladie du système nerveux, ou bien d’un trouble mental et du comportement. Pour la majorité d’entre eux, âgée entre 50 à 69 ans, le décès n’était pas attendu à brève échéance (Cf. ABM).

Finalement, au fil des rapports bisannuels, « la Commission interprète très librement le texte de la loi jusqu’à en arriver à réduire à néant le contrôle qu’elle doit exercer sur un certain nombre de conditions légales », estime l’Institut européen de bioéthique.

 

Source : Institut européen de Bioéthique, Analyse du neuvième Rapport de la Commission Fédérale de Contrôle et d’Evaluation de l’Euthanasie aux Chambres Législatives – (Années 2018 et 2019) (09/11/2020) – Photo : Pixabay

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