Essais interrompus : quel avenir pour la thérapie génique ?

Publié le 30 Sep, 2002

Le 4 octobre la presse annonçait que l’essai de thérapie génique mené en France sur des “enfants bulles” souffrant d’un déficit immunitaire sévère était suspendu.  Doit-on en conclure que la thérapie génique n’a pas d’avenir ?

 

Comment ça marche ?

Depuis plus de dix ans maintenant, la thérapie génique suscite beaucoup d’espoirs. Son principe est simple sur le plan théorique : pour les maladies liées à l’altération d’un gène par exemple, il s’agit de remplacer un gène muté par le gène normal, si l’on en connaît la séquence et le mode de régulation, parfois très complexe. On peut aussi  imaginer introduire des gènes produisant des substances toxiques pour les cellules cancéreuses, ou déclenchant un programme d’apoptose (autodestruction).

 

Les difficultés rencontrées

Différents problèmes techniques sont alors apparus rendant difficile, voire impossible pour certaines maladies, le recours à cette thérapie. La première condition déjà évoquée est la connaissance du gène et son mode de régulation ; si celui-ci est trop complexe, ou trop fin, on risque de ne pas pouvoir maîtriser suffisamment l’expression du gène introduit. Dans la faisabilité technique, intervient aussi  l’accessibilité des cellules cibles : lorsqu’il s’agit de cellules sanguines, l’accessibilité est facile, puisqu’on va prélever des cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse pour les « guérir », et les réinjecter aux patients (essais ex vivo).

 

Lorsqu’il s’agit de pathologie musculaire, ou d’autres cellules qui ne poussent pas en culture, il faut trouver un vecteur pour transporter le gène au bon endroit (essais in vivo). L’adénovirus recombinant peut être utilisé : on lui enlève certaines parties de sa séquence (ce  qui l’empêche ainsi de produire de nouveaux virus), pour insérer à la place le gène normal, ou du moins les parties absolument indispensables au fonctionnement de ce gène : c’est le cas pour la dystrophine, gène de très grande taille, qu’il faut « réduire afin qu’il puisse « entrer » dans le virus. Une autre difficulté réside dans la durée de l’expression de ce gène, une fois inséré dans les bonnes cellules : même dans des cellules ne se divisant pas, comme les hépatocytes, l’expression du gène se réduit au fil du temps.

 

Enfin, si le vecteur est un rétrovirus, il peut, en s’insérant au hasard  dans le génome, altérer un gène ou  « réveiller » un gène de multiplication cellulaire ; c’est ce qui semble s’être produit,  avec l’essai jusqu’ici très positif, de thérapie génique des bébés bulles atteints d’un déficit immunitaire combiné sévère lié à l’X (SCID-X) ;  ce risque était considéré comme théorique, mais  peut s’être manifesté chez cet enfant présentant une prolifération de globules blancs. Cependant, il reste à démontrer qu’il s’agit bien de ce mécanisme, et non d’un autre phénomène. Les essais de thérapie génique, qui avaient été suspendus aux USA à la suite de cette annonce ont repris.  

 

Les résultats

Les problèmes techniques cités plus haut expliquent le faible taux de réussite, malgré un grand nombre d’essais en cours : depuis 1989, plus de  500 essais ont été lancés : les 2/3 pour des cancers, 14% pour des maladies héréditaires et 9% pour des maladies infectieuses. Les difficultés techniques rencontrées, comme certains effets indésirables graves ont fait retomber l’enthousiasme initial. Cependant, même si la thérapie génique n’est pas la panacée espérée, elle reste certainement une voie thérapeutique, au moins pour certaines maladies bien ciblées, compte tenu de tous les impératifs techniques évoqués.  Par ailleurs, elle peut aussi être très utilisée en étant couplée à d’autres techniques comme la thérapie cellulaire, par exemple pour des maladies héréditaires de la peau 

Partager cet article

Synthèses de presse

Fin de vie : « Les propos décomplexés faisant l’éloge de "l’aide à mourir" sont dangereux et erronés »
/ Fin de vie

Fin de vie : « Les propos décomplexés faisant l’éloge de “l’aide à mourir” sont dangereux et erronés »

Dans une tribune, un collectif de psys réagit aux propos du président de la mutuelle MGEN qui énonçait que « le ...
Ohio : mère de trois enfants, mère porteuse de huit autres
/ PMA-GPA

Ohio : mère de trois enfants, mère porteuse de huit autres

Une femme de l’Ohio a donné naissance à des bébés en 2011, 2013, 2014, 2015, 2017, 2018, 2021 et 2022 ...
Des souris dotées d’un « cerveau hybride » détectent les odeurs avec leurs neurones de rat

Des souris dotées d’un « cerveau hybride » détectent les odeurs avec leurs neurones de rat

Des chercheurs de l'Université de Columbia ont créé des souris dotées d'un « cerveau hybride - mi-souris, mi-rat » ...

Textes officiels

Fiches Pratiques

Bibliographie

Lettres