Embryons génétiquement modifiés : les détails de l’étude américaine publiés

Publié le 2 Août, 2017

Comme annoncé fin juillet, les travaux de l’équipe américano-sino-coréenne ont été publiés dans la revue Nature le 2 aout (cf. Etats-Unis : premiers embryons humains modifiés génétiquement). Leurs travaux font « un grand bruit médiatique et soulève mille questions » : dotés des autorisations des comités d’éthiques des universités concernées,  ils ont utilisé l’outil CRISPR sur des embryons humains pour corriger leurs génomes d’une mutation (MYBPC3) à l’origine d’une maladie cardiaque héréditaire.

 

Soixante-dix-sept embryons ont été créés par fécondation in vitro « à cette seule fin », à partir du sperme d’un homme porteur de la mutation MYBPC3 et d’ovocytes de plusieurs donneuses non porteuses de la mutation. « Parmi eux 19 n’ont pas été manipulés (embryons ‘témoins’) et parmi les 58 autres la mutation génétique a pu, via CRISPR, le plus souvent être corrigée lorsqu’elle était présente ». Ils ont été détruits au bout de quelques jours.

 

Si ces manipulations ne sont pas une première mondiale (cf. La Chine s’entête et entend poursuivre ses manipulations génétiques d’embryons humains), elles « marquent une nouvelle étape dans la réédition de génomes au stade embryonnaire et donc de modifications génétiques transmissibles » : le franchissement de cette ligne rouge par les chinois, dénoncé il y a deux ans, pourrait bien ne plus être considéré comme tel aujourd’hui. En outre, les obstacles rencontrés par les équipes chinoises semblent avoir été levés : 72% des embryons ont été « corrigés », aucune mutation hors-cible n’a été repérée, et seul un embryon mosaïque a été recensé. Pour atteindre ces résultats les chercheurs ont « injecté au même moment les spermatozoïdes et le kit de modification du génome, et ce, à un moment précis de la division de l’ovocyte ». Toutefois il s’agissait là d’une maladie dominante (une seule copie du gène mutée sur les deux copies présentes dans nos cellules provoque la maladie), et le système CRISPR a pu prendre modèle sur le gène non muté pour  réparer la seconde copie. Un mécanisme qui ne fonctionnerait pas pour des maladies récessives.

 

Les chercheurs mettent « une nouvelle fois l’argument thérapeutique » en avant pour justifier leurs travaux. Ils soulignent « qu’il existe environ dix mille maladies dues, comme la cardiomyopathie hypertrophique, à la mutation d’un seul gène », et que leur but est « de guérir des maladies graves. (…) La correction génétique ainsi apportée récupèrerait des embryons mutants, augmenterait le nombre d’embryons disponibles pour une implantation et, au bout du compte, améliorerait le taux de grossesse ». Un argumentaire qui ne convainc pas les partisans du diagnostic préimplantatoire, ceux-ci estimant qu’ « avec la FIV, on obtient déjà 50% d’embryons sains, réimplantables (…) [Avec CRISPR] le taux passe à 72 %, c’est un bénéfice très modeste ».

 

Un « nouveau pas vient d’être franchi », qui « ne manquera pas de raviver un véhément débat éthique : Est-il justifié d’introduire artificiellement – fût-ce dans un but médical – une modification dans le génome d’un embryon humain ? » Si la modification du patrimoine génétique n’est autorisée dans un aucun pays du monde, « un glissement s’opère ». La Convention d’Oviedo, « qui n’autorise les interventions sur le génome humain ‘qu’à des fins préventives, diagnostiques et thérapeutiques et seulement si elles n’entraînent pas de modification dans le génome de la descendance’ » est « un instrument totalement ignoré par de nombreux pays. A commencer par la Chine et les Etats-Unis », constate Jean-Yves Nau, journaliste et docteur en médecine.

Le Monde, Paul Benkimoun (2/08/2017); Jean-Yves Nau (3/08/2017); Le Temps, Florence Rosier (2/08/2017)

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