EllaOne® délivrée sans ordonnance : une décision européenne non contraignante pour les Etats

Publié le 14 Avr, 2015

EllaOne® (ulipristal acétate) est commercialisé en France depuis mai 2009 par le laboratoire HRA Pharma[1] dans l’indication « contraception d’urgence dans les 120 heures (5 jours) suivant un rapport non protégé ou en cas d’échec d’une méthode contraceptive ».

 

Ce produit était depuis son AMM[2] en 2009 classé sur liste 1, c’est-à-dire, selon la classification admise des médicaments, sur la liste des substances vénéneuses soumises à prescription.

 

Le laboratoire HRA Pharma a fourni au printemps 2013 des résultats d’études précliniques et cliniques d’après lesquels l’EMA[3] a jugé qu’“EllaOne® peut être utilisé efficacement et en toute sécurité sans prescription médicale” (cf. Génèthique du 25 novembre). Ce qui suppose un délistage du médicament.

 

La commission européenne a entériné le changement de statut du médicament

 

S’appuyant sur cet avis, la Commission européenne a rendu sa décision et a accepté la modification de l’AMM le 7 janvier 2015. Le laboratoire HRA Pharma a annoncé que la mesure serait effective, en France, le 15 avril 2015 (cf. Génèthique du 18 mars), le temps de changer le packaging du produit, mais la décision pouvait déjà être appliquée. De fait, EllaOne®  était disponible sans ordonnance dans les officines depuis janvier.

 

Ce changement de catégorie autorise ispofacto la délivrance d’EllaOne® aux mineures de façon anonyme et gratuite, selon le décret n° 2002-39 du 9 janvier 2002, au même titre que la pilule du lendemain (Norlevo®). Un changement prive les jeunes femmes des avantages de la consultation médicale préalable et des garanties qu’apporte une prescription médicale en termes de pertinence d’usage du médicament et de fréquence d’utilisation. Le pharmacien se trouve impuissant à contrôler la fréquence de ces prises.

 

Par ailleurs, le libre accès contribue à la banalisation du médicament, et empêche toute traçabilité, la dispensation ne faisant plus l’objet d’une inscription à l’ordonnancier.

 

La communauté européenne répond aux réserves de 15 eurodéputés

 

Le 2 février 2015, 15 eurodéputés ont posé, à ce sujet, une question parlementaire écrite à la Commission européenne. Ils s’appuyaient :

  • Sur la Charte des droits fondamentaux de l’UE qui « dispose que la dignité humaine est inviolable et [qui] en garantit la protection » ;
  • Sur l’arrêt de la Cour européenne du 18 octobre 2011 (Brüstle contre Greenpeace) qui a établi « que la protection juridique due au titre de la dignité de la personne humaine commence dès le moment de la conception et au tout premier stade embryonnaire ».

 

« EllaOne® n’ayant une action contraceptive que pendant la phase qui précède l’ovulation après quoi il devient abortif », les députés ont demandé si la Commission avait pris en compte l’obligation de « garantir la protection de la dignité humaine » dans sa décision du 7 janvier, et si, suite à cette question, elle comptait retirer son autorisation de vendre « sans ordonnance un médicament potentiellement abortif ».

 

La Commission a rendu sa réponse le 26 mars 2015 :

  • Tout d’abord, elle reconnait le caractère potentiellement abortif d’EllaOne® puisqu’elle la classe dans « les produits à visée anticonceptionnelle ou abortive ». En France, EllaOne® appartient aux produits utilisés dans la « contraception d’urgence », ce qui entretient le flou sur son mode d’action.
  • Ensuite, si la Commission ne retire pas sa décision du 7 janvier, elle en limite l’application : les Etats membres restent libres d’« interdire ou limiter la vente, la fourniture, ou l’utilisation de médicaments à visée anticonceptionnelle ou abortive ».

 

Note de Gènéthique :

L’ulipristal acétate comme le RU486 agit en se liant aux récepteurs à la progestérone (présents principalement au niveau des ovaires). Cette liaison antagonise l’action de la progestérone, empêchant après l’ovulation le maintien de la muqueuse utérine, ce qui provoque l’élimination de l’embryon.

 

 

[1] Ce laboratoire commercialise également la pilule du lendemain, Norlevo®.

[2] Autorisation de Mise sur le Marché.

[3] Agence Européenne du médicament, chargée de l’évaluation scientifique des demandes d’autorisation européennes de mise sur le marché des médicaments (procédure centralisée).

 

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