Droit fondamental à l’IVG : l’hommage imposé à Simone Veil

Publié le 27 Nov, 2014

Mercredi 26 novembre à 18h00, 40 ans après l’ouverture des débats de la loi Veil, les députés, réduits au nombre d’une centaine ont adopté, par 143 voix contre 7, la proposition de résolution « visant à réaffirmer un droit fondamental à l’IVG ». Une heure et demie de discussion générale, où les représentants de chaque groupe ont pris la parole, suivis des interventions de la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Tourraine, et de la secrétaire d’Etat aux droits des femmes, Pascale Boistard.

 

L’hommage imposé à Simone Veil

 

L’ambiance est à l’hommage et à la fête dans l’Hémicycle dès le début de la discussion. Et pour cause, on compte, au début, une poignée de députés (à peine une vingtaine de l’opposition, et un peu plus d’une trentaine de la majorité) dont la quasi totalité « célèbre l’anniversaire » de la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Seuls sept députés manifesteront par leur vote leur opposition à la proposition de résolution.

 

En dehors de ces sept députés, l’ensemble de l’hémicycle rend hommage à Simone Veil, rappelant son militantisme et son courage pour défendre le droit des femmes. Monsieur Valéry Giscard d’Estaing et Monsieur Chirac, Président et Premier Ministre de l’époque, sont eux-mêmes remerciés d’avoir eu le « courage d’inscrire le texte légalisant l’IVG contre leur propre majorité ».  Mme Pompili, député de la Somme, prenant la parole pour le groupe écologiste, s’émeut de «ces références communes qui forgent notre histoire» et se réjouit que le Conseil Constitutionnel ait « confirmé la liberté fondamentale des femmes de recourir à l’IVG » sans préalable de détresse (loi égalité femme-homme). Madame la ministre Marisol Tourraine, ou encore la député Marie-George Buffet s’exprimant pour le groupe communiste, saluent les anciennes députés et ministre, présentent dans les tribunes, et qui ont contribué à libéraliser l’avortement en leur temps. Madame Roudy, ancienne ministre des droits des femmes, qui a porté la loi sur le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale en 1981, est alors très applaudie par l’hémicycle. Mais aussi Gisèle Moreau, député communiste en 1974, militant pour le « droit à l’IVG ». Enfin, le manifeste des 343 salopes est remercié par la secrétaire d’Etat Mme Boistard, qui a salué le « courage » de ces femmes qui ont « bravé », à l’époque, les sanctions judicaires lourdes qui pesaient sur les femmes qui avortaient.

 

Tous les représentants des groupes se sont donc exprimés selon le même maître mot : « l’émancipation de la femme », dont l’IVG est la première revendication afin de « faire sauter les lourdes chaînes de la maternité non désirée » qui pèse sur les femmes, comme l’affirme Mme Boistard.

 

Seul Jean Léonnetti, prenant la parole pour le groupe UMP, rappelle que l’IVG ne peut en aucun cas être un droit fondamental, « celui-ci n’étant reconnu par aucune norme conventionnel ou constitutionnel » ; et que l’avortement est toujours une épreuve pour les femmes. Paradoxalement il conclut ainsi : « Mais si cette résolution a pour objectif de rendre un hommage à Simone Veil, alors oui je voterai en faveur de cette résolution ». Ce qu’il a fait.

 

De rares voix s’élèvent contre le consensus IVG

 

Jacques Bompart a exprimé une autre voix face à ce consensus imposé par l’absence de débat. Lui seul rappelle que l’avortement concerne en France 225 000 enfants par an qui ne naîtront pas, des femmes trompées sur les conséquences d’un IVG et soumises au silence parce qu’il s’agit d’un droit, ou encore des médecins tiraillés entre leur serment d’Hippocrate et la pratique de l’IVG, vocation bafouée… Il prononcera son discours sans se laisser entrecoupés par les huées de l’hémicycle et l’agitation silencieuse des tribunes, insupportés par ce discours qu’ils qualifient tour à tour de « réactionnaire, obscurantiste, culpabilisant, archaïque, conservateur ».

 

A la fin de cette discussion, 7 députés, présents dans l’hémicycle, votent contre cette proposition de résolution :

– Jean-Frédéric Poisson (député UMP des Yvelines – 10ème circonscription)         
– Xavier Breton (député UMP de l’Ain – 1ère circonscription)      
– Nicolas Dhuicq (député UMP de l’Aube – 1ère circonscription)
– Jean-Christophe Fromantin (député UDI des Hauts de Seine – 6ème circonscription)   
– Yannick Moreau (député UMP de Vendée – 3ème circonscription)          
– Jacques Bompard (député non inscrit du Vaucluse – 2ème circonscription)        
– Olivier Marleix (député UMP d’Eure-et-Loir – 2e circonscription)

 

Des objectifs déterminés pour les semaines et mois à venir

 

En fin de compte, deux messages ressortent clairement des interventions :

 

– Le travail sur la libéralisation de l’IVG n’est pas fini et sera déterminé. Mme Boistard appelle à « l’offensive » pour rendre effectif en France, en Europe, mais aussi dans toute la communauté internationale, le « droit à l’IVG » et le  « droit des femmes à disposer de son corps ». « Droits fondamentaux de l’humanité toute entière » insiste Marisol Tourraine qui réitère son objectif de rendre accessible l’IVG sur tout le territoire français dès Janvier 2015. Cela pour répondre aux inquiétudes liées à la fermeture d’établissements qui pratiquaient l’IVG (130 établissements ces dix dernières années) ou encore au nombre de femmes « qui sont encore contraintes de partir à l’étranger pour avorter ».

 

– « D’autres droits sont à conquérir », pour qu’à l’image de l’avortement aujourd’hui, ces nouveaux droits « sonnent comme des évidences » dans quelques années invoque Mme Pompili faisant directement référence à la PMA, la GPA et l’euthanasie : « Quel sens cela aurait-il de réaffirmer le droit à l’IVG si nous devions continuer de refuser d’avancer sur le droit des femmes à porter et à donner la vie dès lors que les conditions sociales et scientifiques le permettent ? Quel sens cela aurait-il de considérer que donner la vie est un choix si nous devions continuer de considérer qu’un individu n’est pas libre de déterminer ce qu’est pour lui une fin de vie digne et de refuser à celles et à ceux qui attendent une aide et un accompagnement le cadre juridique leur permettant d’exercer pleinement leur ultime liberté ? »

 

Le programme de l’année s’annonce chargé.

 

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