Don d’organes : un plan national d’envergure passé sous silence

Publié le 20 Juin, 2017

Pour la 17ème journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe, ce 22 juin, l’Agence de Biomédecine (ABM) a choisi de laisser la parole aux greffés. Une communication simpliste, qui passe sous silence le « plan greffe 3 » publié dans la plus grande indifférence il y a quelques semaines.

 

La greffe d’organes et de tissus fait l’objet d’un troisième plan d’actions stratégiques défini pour les cinq prochaines années. Rédigé par l’ABM et arrêté par le ministre de la santé, il a été rendu public le 22 mai. Toutefois, ce plan d’envergure est resté à l’écart de la communication de l’Agence, occupée à « sensibiliser » les potentiels futurs donneurs sur les réseaux sociaux. Pourtant, ce plan mérite toute notre attention, puisque nous sommes présumés « tous concernés ». 

 

Afin de répondre à la demande d’organes en constante augmentation, il faut logiquement augmenter le nombre de prélèvement d’organes. Pour cela, l’ABM diversifie depuis plusieurs années les sources de greffons et les développe simultanément. Si le plan précédent a été suivi d’une large hausse des prélèvements, les besoins ont augmenté dans des proportions trop importantes pour être satisfaits. Ainsi au 1er janvier 2012, 10 649 patients étaient sur liste d’attente pour une greffe, mais ils étaient 14 471 quatre ans plus tard. Parallèlement 5023 greffes d’organes ont été réalisées en 2012, et 5746 en 2016[1]. Lucide, l’ABM déclare qu’ « augmenter les greffes ne suffira pas » ; il est nécessaire de « prévenir » les maladies chroniques évoluant vers une insuffisance terminale d’organes et un besoin en greffe.

 

Cela dit, la comparaison avec nos voisins européens montrerait que la France peut encore augmenter ses « performances » en matière de prélèvements et greffes d’organes. Le plan greffe 3 prévoit donc un objectif global de 7800 greffes réalisées en 2021, dont 1000 greffes rénales à partir de donneurs vivants. Pour atteindre cet objectif, le nombre de donneurs potentiels recensés devra avoisiner les 4000 en 2021, et ceux-ci devront à 55% être prélevés d’au moins un organe. Des prédictions qui interrogent quant à l’éthique de leur calcul. En outre, le taux de refus, qui était de 32% en 2015, devra, coûte que coûte, diminuer à 25% fin 2021.

 

Concernant les donneurs décédés après arrêt de traitement (catégorie 3 de Maastricht), l’ABM se félicite du bilan des dernières années. Mis en place en novembre 2014, cette « nouvelle source de greffons » a permis 144 greffes (hépatiques, rénales et pulmonaires). 59 donneurs ont été prélevés sur les 113 recensés dans les neufs centres autorisés. L’objectif pour 2021 est d’atteindre 350 donneurs recensés de cette catégorie chaque année, et d’en prélever 175 pour réaliser 400 greffes. Le nombre de centres autorisés sera élargi, et à plus long terme le cœur et le pancréas devront être prélevables sur ces donneurs décédés. Là encore, ces chiffres inquiètent : comment remplir de tels objectifs tout en laissant libres les patients ?

 

L’objectif visant à « optimiser le financement de l’activité de prélèvement et de greffe » en fonction du nombre de donneurs prélevés laisse aussi perplexe : les équipes médicales, sous pression, laisseront-elles le choix aux patients et/ou à leurs proches ?

 

Enfin, le plan greffe 3 prévoit d’augmenter le recensement et le prélèvement des « donneurs pédiatriques ». L’ABM a noté une baisse progressive du nombre d’enfants et nouveau-nés donneurs « due à la diminution des accidents mais aussi à un fort taux d’opposition des familles », et elle compte y remédier. En outre, elle « réfléchit » à étendre le programme Maastricht 3 (c’est-à-dire les donneurs après arrêt des traitements) aux enfants. Les enfants, prochaines « source de greffon » cible de l’Agence de Biomédecine ?

 

Consentement informé du receveur, liberté du donneur et de sa famille, certification de mort en cas de prélèvement sur cadavre « à cœur battant » : le prélèvement et la greffe d’organes posent des questions éthiques aigues. Nous sommes « tous concernés » comme le rappelle ces jours-ci l’Agence de Biomédecine, mais sommes-nous tous libres et éclairés ?

 

 

[1] Rapport médical et scientifique du prélèvement et de la greffe en France 2016, Agence de Biomédecine.

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