Au 1er janvier, la modification de la loi concernant les conditions de prélèvements d’organes est entrée en vigueur : « faute de volonté contraire, informatiquement enregistrée, chaque citoyen sera considéré comme donneur ». La consultation des proches n’aura plus le même caractère juridique. Bien que l’intention affichée soit louable –« pallier la pénurie des dons d’organes, pour sauver plus de vie »-, ce changement fait polémique, et « les équipes médicales doutent de son efficacité ».
Le renforcement du consentement présumé soulève de nombreuses interrogations : N’aurait-il pas mieux valu créer un registre national d’acceptation du don ? Pourquoi exclure les proches du processus de dialogue dans la prise de décision ? Le corps n’est-il qu’un objet dont certains éléments peuvent être recyclés ? Dans quelles conditions se passera la fin de vie des donneurs désignés : pourront-ils toujours être entourés de leurs proches jusqu’au bout ou s’éteindront-ils seuls dans une salle d’opération ? N’y-a-t-il pas un conflit d’intérêt « à confier à la même structure, l’agence de biomédecine, la gestion du registre des refus de greffes, le recueil des besoins de transplantations et les décisions d’affectation » ?
Cette nouvelle règlementation « nous entraine un peu plus sur la voie d’une conception étatiste du prélèvement d’organes (…). Une fois atteint l’état de coma avancé, le corps n’appartient plus à l’individu, encore moins à sa famille : il revient à la puissance publique. Ce qui était, au départ, un don généreux tend à devenir une obligation imposée au nom de l’intérêt général. On peut, certes, s’opposer à un prélèvement : on risque d’être montré du doigt et tenu pour moralement responsable de la mort d’autrui ». Pourtant, décider de donner un organe, c’est « un acte volontaire, un acte de générosité. Cela ne peut pas devenir un automatisme pour remédier à une situation de pénurie », explique Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris-Sud.
En outre, « rien n’indique aujourd’hui que le nombre d’inscriptions dans le registre des refus n’explosera pas dans le futur, limitant les bénéfices escomptés ». Mais pour certains commentateurs, « le gain de cette mesure dépendra surtout des critères de définitions du type de patients admissibles : plus ils seront larges, plus la distinction entre donneur mort et en train de mourir s’estompera ». Le prélèvement d’organes est lié à la mort, et il est « bien difficile d’aborder cette question sereinement » : « Le problème n’est pas le don d’organes (…) demain, nous serons en kit, ou peu s’en faut. Le problème de notre société, c’est d’accepter la mort ».
Le Figaro, Agnès Leclair (30/12/2016); Contrepoints (29/12/2016); Boulevard Voltaire (30/12/2016 et 1/01/2017)