Le chirurgien Jacques Belghiti, spécialiste de la greffe de foie à partir de donneurs vivants, vient d’annoncer qu’il renonçait à cette pratique après la mort d’un donneur. Le 15 mars 2007, un homme de 48 ans est décédé alors qu’il venait de donner un lobe hépatique à son frère. Ce donneur avait un cancer rare qui s’est révélé lors des prélèvements et qui a explosé avec les suites opératoires. Sans l’intervention, la pathologie aurait pu rester silencieuse.
A partir de là, Jacques Belghiti s’est interrogé : Que penser ? Où mettre le curseur entre le risque, la vie, la recherche, la mort et la toute puissance d’un geste qui peut sauver ? Cela était-il prévisible ? Il reconnaît aujourd’hui que plus d’un tiers de ceux à qui l’on a prélevé une partie du foie ont eu des complications. Aujourd’hui, Jacques Belghiti et son équipe de l’hôpital Beaujon continuent les greffes à partir de cadavres.
Il s’inquiète de l’avenir qui se dessine dans ce domaine : "Les occidentaux arrêtent peu à peu les greffes sur donneurs vivants adultes. Mais celles-ci se développent énormément en Asie. Au Japon, à Taiwan, à Hongkong, ils en font beaucoup. Que va-t-il se passer en Chine ?". Il rappelle que jusqu’a maintenant les prélèvements dans ce pays se faisaient sur des condamnés à mort mais qu’ils se sont peu à peu arrêtés. "A coup sûr, les greffes à partir de donneurs vivants vont se développer. N’est-ce pas ouvrir, là, la boîte de Pandore? Comment s’assurer que le donneur est bien volontaire, qu’il ne le fait pas pour l’argent ? Cela me fait peur. De drôles d’histoires circulent déjà à Hongkong…".
Libération (Eric Favereau) 15/03/08