Dans son ABC de la bioéthique, le journal La Croix revient sur la question de la recherche sur l’embryon. Rappelant la définition d’une cellule souche – cellule souche totipotente : capable de se différencier en tous types de cellules ou pluripotente : capable de donner plusieurs types de cellules – La Croix constate que "ce sont les travaux portants sur les cellules souches embryonnaires qui focalisent l’intérêt des chercheurs. Or ceux-ci impliquent la destruction de l’embryon".
Les cellules souche embryonnaires qui intéressent les chercheurs, extraites de l’embryon âgé de 5 à 7 jours, sont dites pluripotentes car elles peuvent se différencier en plusieurs types de cellule humaine (de sang, de foie, de cœur, de muscle…). Pour Annelise Bennaceur, hématologue et directrice d’une unité Inserm sur les modèles de cellules souches : "Savoir comment un embryon se forme est essentiel pour la compréhension des maladies génétiques humaines qui se forment aux étapes précoces du développement".
Par ailleurs, la recherche sur les cellules souches intéresse pour traiter des pathologies graves. Pour les cellules souches embryonnaires, l’idée est de parvenir à maîtriser leur spécialisation en les forçant à évoluer vers le type de cellule que l’on souhaite. Mais il existe également d’autres sources de cellules souches comme les cellules souches adultes et issues du sang de cordon et les "cellules pluripotentes induites", qui sont des cellules adultes reprogrammées pour traiter une pathologie spécifique. Certains types de cellules ont déjà prouvé leur efficacité : près de 10 000 greffes de sang de cordon ont été réalisées dans le monde pour soigner des maladies du sang.
La Croix nous présente l’exemple de Nicolas Forraz, chercheur à l’Institut de recherche en thérapie cellulaire de sang de cordon (Lyon Saint-Priest) avec le Pr Colin McGuckin. Quand ils étaient à l’Université de Newcastle, ils ont réussi à faire se différencier des cellules souches de sang de cordon en cellules précurseurs de cellules nerveuses, de foie et de pancréas et ont identifié dans le sang de cordon, des cellules souches pluripotentes. Nicolas Forraz se désole : "que l’essentiel des fonds publics français soient investis dans la recherche sur les cellules embryonnaires. Il faudrait au moins un rééquilibrage des subventions".
Concrètement, la thérapie cellulaire avec les cellules embryonnaires n’a pas été expérimentée sur l’homme.
Depuis 2004, le principe de l’interdit de toute recherche sur l’embryon (loi de 1994) a été assorti, pendant 5 ans, d’une possibilité dérogatoire : il est possible d’effectuer des recherches, si celles-ci "sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs" et "ne peuvent être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable". Ces recherches sont menés su des embryons dits "surnuméraires" c’est-à-dire conçus in vitro dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation et abandonnés parce que dénués de "projet parental". La création d’embryons à des fins de recherche reste interdite.
A l’occasion de la révision de la loi de bioéthique, le débat se cristallise autour d’une autorisation plus large de la recherche sur l’embryon. Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice de l’Agence de la biomédecine parle d’"instabilité juridique", l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opesct) demande une recherche "autorisée et encadrée"; enfin le Comité consultatif national d’éthique est favorable à la recherche sur l’embryon mais à certaines conditions. Roselyne Bachelot, l’actuelle ministre de la santé, penche plus pour une reconduction du moratoire actuel.
La Croix prend l’exemple de l’Allemagne où depuis avril 2002, la recherche sur les cellules souches embryonnaires est limitée. Seules les cellules souches importées de l’étranger et produites avant la loi peuvent être utilisées. Néanmoins, en avril 2008, les députés du Parlement allemand ont adopté un texte "élargissant" les possibilités d’accès aux cellules souches embryonnaires, en reportant la date limite" de production des cellules importées en Allemagne de janvier 2002 à mai 2007.
Enfin, le journal La Croix cite la récente encyclique Dignitas Personnae : "sont licites les méthodes qui ne procurent pas de graves dommages au sujet chez qui sont prélevées les cellules souches. (…) Au contraire, le prélèvement de cellules souches d’un embryon humain vivant cause inévitablement sa destruction et il est de ce fait gravement illicite. Dans ce cas, la recherche, quels que soient les résultats d’utilité thérapeutique, ne se place pas véritablement au service de l’humanité. Elle passe en effet par la suppression de vies humaines qui ont une égale dignité par rapport aux autre personnes humaines et aux chercheurs eux-mêmes. (…) L’impulsion et le soutien à la recherche sur l’utilisation de cellules souches adultes sont à encourager, car elle ne comporte pas de problèmes éthiques. "
La Croix (Marianne Gomez – Michel Verrier – Denis Sergent) 24/03/09