CRISPR : en attente du débat éthique qui ne vient pas

Publié le 9 Oct, 2016

Modifier nos cellules immunitaires pour les rendre capables de combattre les cellules cancéreuses, guérir les maladies rares et héréditaires, rendre les animaux plus résistants aux maladies, supprimer les espèces de moustiques vecteur de parasites, remplacer les OGM : les applications de l’édition du génome sont multiples. Chercheurs et politiques s’accordent pour déclarer qu’un débat éthique est urgent. CRISPR, principale technique d’édition du génome, a été déclarée découverte scientifique de l’année 2015, mais est aussi classée « au rang des armes de destruction massive par les Agences de sécurité américaines ». Toutefois pour l’heure, les instances qui se sont emparées du sujet sont peu nombreuses, et aucune décision n’a été prise.

 

Au Royaume Uni, le Nuffield Council for Bioethics a déclaré que « ces questions [liées à CRISPR] devraient être étudiées dès aujourd’hui, même si son utilisation semble lointaine », notamment pour favoriser sa compréhension par le grand public. John Dupre, professeur de philosophie des sciences à l’Université d’Exeter, et membre du groupe de travail sur l’édition du génome du Nuffield Council for bioethics, a affirmé : « Il est hautement souhaitable d’associer les considérations éthiques et réglementaires le plus tôt possible dans le développement de CRISPR. L’exemple qui me vient à l’esprit est vraiment les OGM, où il y a très peu d’anticipation de la force du sentiment du public ». Le professeur Karen Yeyng, également membre de ce groupe de travail pense elle qu’ « un long chemin vers une modification législative devra être suivie avant que CRISPR ne puisse devenir une option de traitement. Mais il est juste que nous regardions où cette nouvelle science peut nous conduire ».

 

Pour Emmanuelle Charpentier, microbiologiste, généticienne et biologiste, co-découvreuse de CRISPR-Cas9, « il n’est pas nécessaire pour le moment d’autoriser la manipulation des lignées germinales : la plupart des pays européens ont ratifié la convention d’Oviedo qui interdit la manipulation du génome des cellules germinales humaines quand ces manipulations sont dans le cadre de la PMA ». Mais elle reconnait qu’« il y a toujours le risque que cette connaissance soit mal utilisée (…) Ce n’est pas nouveau et CRISPR Cas9 n’est pas la seule technique qui pourrait être utilisée à mauvais escient ».

 

L’un des principaux enjeux est que l’«on ne connait pas encore suffisamment le rôle de tous les gènes, et donc les conséquences à long terme de telles modifications sur le génome, que ce soit chez l’être humain, les animaux, les plantes. La modification du génome peut juste se transmettre sans variation mais elle pourrait dans certains cas entrainer une réaction en chaine de changements dans l’ADN qu’on ne saurait contrôler ». « Ce n’est pas la technique en elle-même qui soulève le plus de questions éthiques mais la possibilité de pouvoir modifier simplement et de créer le vivant à façon, ouvrant par exemple la porte à un eugénisme sans limite ». Ainsi CRISPR agite les questions du « transhumanisme, de l’expérimentation animale et de la protection de l’environnement. La science a dépassé la fiction ».  

 

« Quelle est la limite à ne pas dépasser en sachant qu’aujourd’hui nous sommes capables de réaliser les fantasmes les plus fous de nos aïeux ? Quelles sont les applications des techniques de modifications du génome que nous pouvons autoriser et celles que nous devons interdire, et celles que nous pouvons autoriser, contrôler, surveiller ? ». Telles sont les questions qui, pour l’heure, sont laissées sans réponse.

The Conversation (4/10/2016); Sciences et avenir (6/10/2016); BBC (30/09/2016)

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