Cellules souches embryonnaires : pas aussi thérapeutiques que promis…

Publié le 31 Déc, 2004

La revue La Recherche de janvier fait le point sur les annonces médiatiques qui présentent les cellules souches embryonnaires humaines (cellules ES) comme susceptibles de guérir un jour les maladies de Parkinson, d’Alzheimer, le diabète ou les maladies cardiaques et constate pourtant  que « du fantasme à la réalité, il y a un monde » (1).

 

Cet article revient sur les différentes recherches menées à partir de cellules souches embryonnaires humaines.

 
Différenciation des cellules ES

 

Le premier défi concernant la recherche sur les cellules ES est de maîtriser la différenciation. Rappelons que ces cellules, extraites d’embryons au stade de blastocyste sont pluripotentes, c’est-à-dire capable de se différencier en n’importe quel type de cellule. Il faudrait donc arriver à les faire se multiplier avant qu’elles se différencient spontanément mais, explique Michel Puceat, directeur de l’équipe « cellule ES et différenciation cardiaque » du CNRS de Montpellier, « nous sommes encore loin de savoir engager le devenir des cellules ES vers un seul et unique type cellulaire ».

 
Transplantation des cellules ES

 

Une fois les cellules ES différenciées en un type cellulaire précis, il faut pouvoir les transplanter dans l’organisme receveur sans les endommager. Différentes techniques concluantes ont été mises au point (notamment par les équipes de Michel Puceat – CNRS Montpellier, Philippe Menasché – Hôpital G. Pompidou Paris ; Lior Gepstein – Haïfa, Israël) :

 

– Essais cliniques

Pour la maladie d’Alzheimer, souvent présentée comme un exemple de maladie que les cellules souches embryonnaires peuvent guérir, la greffe de neurones est pour l’heure inenvisageable car la dégénérescence neuronale s’étend trop rapidement à tout le cerveau. C’est au tout début de la maladie qu’il faudrait agir, alors que la pathologie ne peut pas être dépistée à un stade précoce.

En revanche, dans la maladie de Parkinson ou la Chorée de Huntington, la dégénérescence reste localisée à une seule zone jusqu’à un stade avancé de la maladie. Les neurones perdus sont situés dans une zone appelée substance noire et émettent des prolongements vers une autre zone, le striatum où ils libèrent de la dopamine. Des cellules souches ES pourraient être greffées directement dans ce striatum où elles se différencient et libèrent la dopamine. Si des résultats ont été publiés chez le rat, « chez l’homme, les cellules ES représentent certes un potentiel, mais ce sera beaucoup plus compliqué » rappelle Philippe Hantraye, spécialiste du système nerveux central au service hospitalier Frédéric-Joliot à Orsay.

 

–  Risques de rejet

Pour Raphaël Scharfmann, directeur de l’unité E0363 de l’Inserm et spécialiste des organes endocrines, dans ce domaine on est « à peu près au point zéro ». Pour François Pattou, spécialiste de thérapie cellulaire à l’Université de Lille et à l’Inserm, l’obstacle majeur est le rejet des greffons, qui ne sera peut-être pas surmonté avec les cellules-souches. Pourtant l’équipe de Michel Puceat a mené des greffes cardiaques de cellules ES entre animaux de même espèce et entre animaux d’espèces différentes sans constater de problème de rejet. Pour ce scientifique, il faut « définir avec précision les caractéristiques immunologiques des cellules ES ».

 

Création de lignées de cellules ES porteuses d’une anomalie génétique afin de constituer un modèle humain de cellules malades au lieu d’utiliser une lignée de cellules embryonnaires de souris transformée avec le gène muté humain.

 
– Utilisation sur l’homme des lignées ES

Le passage à l’homme risque d’être difficile du fait même de la technique de fabrication et de conservation de ces lignées, conservées à partir de matrice animale (fibroblastes de souris et sérum

de veau foetal) ce qui interdit leur utilisation sur l’homme pour des raisons de sécurité sanitaire. Des équipes annoncent avoir détourné le problème en établissant de nouvelles lignées ES sur des cellules nourricières humaines et non animales.

 

Cet article qui s’appuie sur de nombreuses expériences en cours nous montre la complexité de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Car si certaines études sont concluantes chez l’animal, elles sont loin d’être applicables à l’homme. Parler de thérapie par cellules ES humaines relève bien aujourd’hui de la fiction…

 

Bien que ce ne soit pas l’objet de l’article de La Recherche, nous rappelons qu’une alternative à la recherche sur les cellules souches embryonnaires est celle sur les cellules souches adultes. Ces cellules, outre le fait que leur utilisation ne pose aucun problème éthique, ont fait la preuve de leur pluripotence et ont montré leur capacité thérapeutique dans la réparation cellulaire dans le cadre d’essais cliniques sur l’homme, (cf. Gènéthique n°49).

 

C’est sans insister sur la question du clonage dit thérapeutique, revendiqué par certains chercheurs comme source sans fin de fabrication de cellules ES. Or la technique du clonage n’étant pas maîtrisée, de plus en plus de scientifiques ont abandonné le terme de clonage thérapeutique pour celui de clonage de recherche. Ce terme a  été repris par l’UNESCO dans son document “Human cloning” édité en 2004 qui précise  “puisque la notion de thérapeutique suggère que le clonage peut avoir des applications bénéfiques, ce qui aujourd’hui semble complètement injustifié, il est plus approprié de modifier ce terme positif et d’utiliser un mot plus neutre, le clonage de recherche.” 

 

 

1 – La Recherche, C. Klingler « Cellules souches, résultats embryonnaires », janvier 2005

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