Canada : euthanasié suite à une escarre causée lors d’un séjour aux urgences

18 Avr, 2024

Au Québec, un homme de 66 ans a été euthanasié après un séjour aux urgences qui lui a causé une importante escarre.

Normand Meunier, un ancien camionneur, était tétraplégique depuis 2022. En janvier, il s’est rendu à l’hôpital de Saint-Jérôme en raison d’un nouveau virus respiratoire. Avant d’être admis en soins intensifs, le patient serait resté aux urgences sur une civière pendant quatre jours.

Selon Sylvie Brosseau, sa conjointe, l’homme n’a alors pas eu de matelas adapté permettant de déplacer les points de pression pour éviter la formation de plaies, malgré sa demande. Il n’a pas non plus été changé fréquemment de position comme cela est préconisé. Resté alité dans la même position, Normand Meunier a développé une importante escarre au niveau des fesses.  « Je ne comprends pas comment cela peut arriver, parce qu’un matelas est la chose la plus élémentaire » s’insurge-t-elle. « Une escarre peut s’ouvrir en 24 heures, puis c’est très long à refermer » alerte Jean-Pierre Beauchemin, gériatre retraité et professeur titulaire de la faculté de médecine de l’université de Laval.

Après son hospitalisation, la plaie s’est aggravée créant un trou de plusieurs centimètres de diamètre exposant les os et les muscles. En deux mois, deux « débridements »[1] ont dû être pratiqués. Le patient avait déjà souffert d’autres escarres, mais rien d’aussi important. Les experts consultés ont indiqué que cela prendrait « au mieux plusieurs mois à cicatriser ».

Normand Meunier a déclaré qu’il préférait avoir recours à l’euthanasie pour mettre fin à ses souffrances physiques et psychologiques. « Je ne veux pas être un fardeau » a-t-il expliqué (cf. Fin de vie : attention au message envoyé aux personnes vulnérables). Il est mort à son domicile le 29 mars.

« L’assistance médicale à la mort est plus facile à obtenir et plus régulière que certains des soins les plus élémentaires »

« Cette histoire est une véritable honte » déplore Steven Laperrière, directeur général du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), qui soutient les personnes handicapées. « Qu’est-ce que nous faisons pour aider les personnes handicapées ou malades à vivre dans la dignité avant de “mourir dans la dignité” ? » s’offusque-t-il (cf. « Aidez-nous à vivre dans la dignité »). Selon lui, Normand Meunier « serait probablement encore en vie aujourd’hui » si le personnel avait « fait preuve d’un grand professionnalisme ».

Trudo Lemmens, titulaire de la chaire Scholl en droit et politique de la santé de l’université de Toronto, ajoute que cette affaire est « une illustration des problèmes du système de santé ». Il souligne que les personnes déjà vulnérables ont l’impression d’être « un fardeau de plus dans le système » qui leur propose en réponse « l’accès à l’assistance médicale à la mort » (cf. Fin de vie : « médecine de l’accompagnement » ou « médecine de la mort donnée » ?). « L’assistance médicale à la mort est plus facile à obtenir et plus régulière que certains des soins les plus élémentaires » déplore-t-il (cf. Canada : le ministère des anciens combattants propose à nouveau l’euthanasie). De plus en plus de personnes qui ont des difficultés avec le système de santé se tournent vers l’euthanasie (cf. L’euthanasie devient « une option de fin de vie » au Canada). « C’est profondément troublant » s’indigne le professeur.

La direction de l’hôpital a déclaré qu’« une enquête interne est en cours pour faire la lumière sur les événements ».

Sylvie Brosseau, ainsi qu’un groupe de défense des personnes handicapées, Moelle épinière et motricité Québec (MÉMO-Qc), considèrent que cette enquête est insuffisante. Ils demandent au Gouvernement du Québec d’ouvrir une enquête indépendante sur la mort de Normand Meunier.

« Nous pouvons dire qu’il s’agit d’une exception, mais ce qui s’est passé est inacceptable » reconnait Christian Dubé, ministre de la Santé du Québec.

 

[1] traitement qui consiste à enlever les tissus morts ou infectés des plaies pour favoriser la cicatrisation

Source : CBC, Rachel Watts (12/04/2024)

 

 

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