« Non seulement je suis en vie, mais je compte le rester. » Georgia Vrakas, psychologue et professeur de l’Université du Québec à Trois-Rivières, a été auditionnée le 21 mai dans le cadre des « consultations particulières et auditions publiques sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie » (cf. Euthanasie au Canada : mise en place de nouveaux élargissements). Un témoignage qu’elle a livré « comme professionnelle en santé mentale, mais aussi en tant que personne vivant avec une maladie mentale depuis l’âge de 23 ans ».
« Pendant plus de 20 ans, je pensais vivre avec un trouble dépressif », raconte-t-elle, avant qu’on lui diagnostique au début du mois « un trouble bipolaire de type 2, un trouble mental considéré comme grave et persistant ». « Les mois qui ont précédé le diagnostic ont été particulièrement houleux ; j’ai même pensé sérieusement au suicide », confesse-t-elle. Mais l’appel à un numéro de soutien l’a « aidée à [s]e raccrocher à la vie ». « Je ne voulais pas mourir, je voulais arrêter de souffrir », explique-t-elle. Georgia a désormais commencé « un traitement prometteur », avec l’espoir d’un rétablissement. « Un processus de reconstruction de notre identité, une identité qui inclut la maladie mentale, mais qui n’est pas limitée à celle-ci. »
Bonne question, mauvaise réponse
« Près de 20 % de la population du Québec, soit une personne sur cinq, souffrira d’une maladie mentale au cours de sa vie », affirme la psychologue. Ainsi, « la maladie mentale ainsi que le suicide sont des problèmes de santé publique qui nécessitent une réponse de santé publique ». Et pas une « réponse politique » comme l’est « l’inclusion de la maladie mentale comme seul motif dans la Loi concernant les soins de fin de vie ».
« On se retrouve à débattre de l’inclusion des personnes atteintes de maladies mentales à l’AMM[1] pour supposément nous aider à mieux mourir quand on n’a même pas accès aux services minimaux pour nous aider à mieux vivre », déplore Georgia Vrakas. « On lance un message aux gens comme moi qu’il n’y a pas d’espoir », regrette-t-elle.
Lutter contre le suicide et l’autoriser s’il est assisté ?
Par ailleurs « on investit dans la prévention du suicide », pointe la psychologue. Alors « comment réconcilier l’AMM avec cela en sachant que 90 % des personnes qui meurent par suicide ont une maladie mentale ? Comment différencier ce “désir de mourir” par l’AMM du “désir de se suicider” ? » interroge-t-elle. « Donnez-nous une chance, aidez-nous à continuer à avancer et à vivre dans la dignité ».
[1] aide médicale à mourir
Source : La Presse, Georgia Vrakas (27/05/2021) – Photo : Pixabay