Avortement eugénique : de la trisomie à l’autisme ?

Publié le 26 Mai, 2020

Début 2020, les résultats d’une étude taiwanaise, menée auprès de 333 mères d’enfants autistes, sont publiés. Les femmes ont été interrogées « sur la possibilité de recourir à une amniocentèse pour détecter le ‘risque d’autisme’ entre leur 16e et leur 20e semaine de grossesse ». Les deux tiers se disent favorables à l’accès à ce test et « plus de la moitié (53,1%) choisiraient d’interrompre leur grossesse ». Pour les auteurs, les résultats sont « applicables aux autres pays de culture chinoise, ainsi qu’aux pays occidentaux ». Les personnes autistes pourraient-elles subir le même sort que celles porteuses de trisomie 21 ?

 

Après le débat sur l’ « avortement eugénique » des années 1970, la loi Veil de 1975 a autorisé l’IMG, l’interruption médicale de grossesse, « jusqu’à la veille du jour de la naissance en cas de détection d’une maladie ou d’un handicap grave, dont la trisomie 21 ». Au fur et à mesure des années, « une acceptation sociale progressive de l’élimination des personnes trisomiques avant leur naissance » conduit, en 1997, à la prise en charge par l’Assurance maladie d’un dépistage devenu systématique. Le schéma est-il en passe de se reproduire pour les personnes autistes dites « sévères » en France ? Déjà, « l’Hôpital privé américain de Paris, à Neuilly-sur-Seine (92), pratique un dépistage prénatal ‘de l’autisme’, à titre ‘expérimental’, au moins depuis 2018 ». Après l’expérimental non remboursé, des études pour affiner la « prédiction du niveau de handicap » feront accepter la systématisation du diagnostic et son remboursement au nom de la « justice sociale ». En parallèle, « les études sur l’acceptation sociale des personnes autistes vivantes » pourraient rester pas ou mal financées, les ressources éducatives disparaitre, et « la forte stigmatisation et dégradation sociale des parents qui ont fait le choix de ‘garder’ ces enfants » devenir monnaie courante. C’est juste un scénario, mais une enquête interne de l’Hôpital américain, montre que 85% des parents seraient prêts à évoquer la question de l’avortement « si on trouve une microdélétion connue pour être associée à des troubles autistiques et que ce remaniement est confirmé à l’amniocentèse ».

 

Dans son rapport Rights of persons with disabilities de décembre 2019, « la rapporteuse spéciale des Nations unies au handicap, Catalina Devandas-Aguilar, cite l’autisme parmi les ‘conditions’ susceptibles d’une sélection eugéniste ». Pourtant, « accepter le dépistage prénatal de l’autisme en vue d’une IMG reviendrait à saborder, à terme, les efforts menés pour bâtir une société inclusive ». C’est de plus un terrible message envoyé aux personnes autistes : « leur élimination, possible en théorie jusqu’à la veille du jour de leur naissance, serait préférable à leur existence ».

 

Pour Josef Schovanec, autiste, philosophe, auteur, « c’est le rejet qui fait souffrir, pas l’autisme ». Il considère qu’éliminer une vie pour cause d’autisme, c’est valoriser une société normative, au sein de laquelle « un seul type de profil d’humain sera toléré ».

 

Pour aller plus loin :

Avant la révision de la loi de bioéthique, les égarements autour du dépistage génétique

handicap.fr, Amélie Tsaag Valren (21/05/2020) – Dépistage prénatal de l’autisme : menace d’extinction?

Photo : iStock

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