Avortement en France : l’échec des politiques de prévention

Publié le 25 Fév, 2009

La député Bérengère Poletti (UMP – Ardennes) vient de déposer un ensemble d’amendements au projet de loi de Roselyne Bachelot sur la réforme des hôpitaux.

Elle demande une meilleure information sur la contraception et une meilleure formation des médecins alors  même qu’elle a dû retirer, "face au lever de bouclier des associations, mercredi 18 février, son amendement au projet de loi sur l’hôpital proposant d’"étendre aux sages-femmes la pratique des interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse" (cf. Synthèse de presse du 19/02/09). Les amendements seront étudiés en séance publique la semaine prochaine.

Bérengère Poletti s’inquiète de l’effectif décroissant des gynécologues qui pratiquent l’avortement : "la génération des médecins qui a mis en œuvre la loi Veil et qui est à l’origine de la création des centres autonomes d’IVG a aujourd’hui 53 ans en moyenne et va massivement partir à la retraite (…). Or leur relève n’est pas assurée car la pratique de cet acte est considérée trop souvent comme peu attractive". Elle constate également le désengagement des établissements de santé privés.

Pour elle, ces problèmes entraîneraient des difficultés à avorter dans les délais légaux (NDLR : 12 semaines pour l’Interruption Volontaire de Grossesse et jusqu’à la naissance pour l’Interruption Médicale de Grossesse) et mettraient les femmes dans une "situation délicate".

Malgré le taux de contraception le plus important d’Europe, la France voit le nombre d’adolescentes ayant avorté augmenter. Tugdual Derville, délégué général de l’Alliance pour les droits de la vie demande qu’on s’interroge "sur l’échec des politiques de prévention de l’IVG". Pour le Dr Marc-Alain Rozan, président du Syndicat des gynécologues obstétriciens de France, c’est le manque d’information qui est la principale cause de cet échec.

Par ailleurs, les professionnels se posent de plus en plus de questions face à la "consommation" de l’avortement. Le Dr Grégoire Moutel, responsable du laboratoire d’éthique médicale de l’Université Paris-Descartes, explique : " beaucoup de professionnels qui ne sont pas du tout des militants pro vie, changent aujourd’hui de regard après avoir trop vu de glissements sur la pratique. A l’origine, les indications d’un avortement impliquaient une détresse matérielle ou psychologique de la femme, elles sont aujourd’hui plus de l’ordre du confort, ce qui n’est pas dans l’esprit de la loi".

Prenant l’exemple des femmes qui "récidivent", il constate qu’il y a dix ans, 1 femme sur 10 avait pratiqué 2 ou 3 avortements. Aujourd’hui, elles sont 2 sur 10. Le rallongement du délai de 10 à 12 semaines permettrait à certaines femmes, lors de l’échographie du 1er trimestre de "passer de petits doutes d’anomalies sur les IVG, évitant l’interruption médicale de grossesse, soumise elle, à l’avis médical rigoureux d’une collégialité d’experts". Autre glissement constaté, après une insémination artificielle, certains couples demandent un avortement parce qu’ils attendent des jumeaux. Les médecins "finissent par se dire qu’ils n’ont pas choisi la gynéco-obstétrique pour faire ça", conclut le Dr Grégoire Moutel.

Le Figaro (Delphine de Mallevoüe) 25/02/09

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