Affaire Debaine : les conséquences d’un “déni de vie”

Publié le 1 Mai, 2008

Le 9 avril dernier, le jury populaire de la Cour d’assises du Val-d’Oise acquittait Lydie Debaine, poursuivie pour avoir tué sa fille handicapée motrice cérébrale. Le 14 mai 2005, Madame Debaine avait administré à sa fille de 26 ans plusieurs cachets d’anxiolytiques avant de la noyer dans une baignoire.

 

Déni de vie et euthanasie

Cette décision a suscité de nombreuses et vives réactions. Parmi elles, citons celle de Dominique Quinio qui s’interroge sur le sens de cet acquittement : “Tuer une personne gravement lésée dans son corps et dans son esprit ne serait pas un crime ? Cette personne serait-elle moins humaine que d’autres victimes ?“. Pour Denis Sala, chercheur à l’Ecole nationale de la Magistrature, cette affaire révèle “une décriminalisation de ce que l’on appelle des homicides par compassion“. Patrick Baudry, sociologue et professeur à l’université de Bordeaux III, regrette lui aussi un jugement qui tend vers “une banalisation du geste euthanasique“.

A l’heure où les revendications pro-euthanasiques occupent le devant de la scène médiatique, cette affaire semble en être une nouvelle caisse de résonance. Comment, surtout dans le contexte actuel, ne pas s’inquiéter des applaudissements qui ont d’abord salué cet acquittement ? “Une telle approbation ne révèle-elle pas une sourde hostilité aux personnes malades ou handicapées ?“, se demande Danielle Moyse, docteur en philosophie et chercheur associé au CNRS-EHESS. “Une chose serait en effet de prendre acte des difficultés qui peuvent conduire une mère à un acte désespéré et d’en conclure à l’urgente nécessité d’un devoir de solidarité à même de le prévenir, une autre de doubler l’absolution juridique d’un meurtre par un enthousiasme susceptible d’encourager tout passage à l’acte de même nature.

 

Tuer ne peut pas être la solution

C’est en ce sens que le Collectif contre l’handiphobie a réagi, par la voix de Damien et Sophie Lutz, parents de Philippine, âgée de 8 ans, microcéphale et polyhandicapée. Le Collectif regrette que “l’acquittement de Mme Debaine enfonce chacun dans sa part d’ombre” car “de nombreux parents ont peur de craquer” et “résistent au désespoir en continuant de croire jour après jour que leur enfant a sa place parmi les vivants“. Parents d’enfant handicapé, s’ils comprennent que Madame Debaine ait pu perdre pied, ils disent combien ils ont besoin “d’un message fort de la société qui nous rappelle que toute vie, même affaiblie, a du prix à ses yeux“, “d’être sûrs que ce geste n’est pas une solution, ne doit pas en être une“.

 

Le procureur général de la Cour d’appel de Versailles, Jean-Amédée Lathoud, a fait appel de la décision de la Cour d’assises du Val-d’Oise parce que “ce verdict d’acquittement pourrait (…) être compris comme un encouragement à l’atteinte volontaire à la vie des handicapés, qui méritent notre protection et notre soutien“. Pour lui, le ministère public a le devoir d’appliquer la loi et de condamner l’accusé, ne serait-ce qu’à une peine de principe et ce, dans l’intérêt général et au nom des valeurs éthiques et des principes fondateurs de notre société.

 

Si, à la suite de cette affaire, le député Jean Leonetti, chargé d’évaluer la loi sur la fin de vie, a reconnu que “sur le plan juridique et judiciaire, nous pouvons difficilement imaginer de bâtir une loi permettant d’éliminer les personnes handicapées“, il a dit travailler “sur un allégement de la procédure judiciaire pour la mort par compassion“…

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