Affaire de la PMA post mortem : le Conseil d’Etat face aux incohérences du statut de l’embryon

Publié le 21 Jan, 2020

Une bretonne, Laurenne Caballero, a demandé le transfert en Espagne des embryons surnuméraires fabriqués du vivant de son époux, Roy, afin de réaliser une nouvelle PMA. Son mari est décédé en avril dernier et la loi espagnole, contrairement à la France, autorise la procréation post-mortem dans les 12 mois suivant le décès du père. L’affaire, portée devant le Conseil d’Etat, confronte les juges aux incohérences du Droit français sur le statut de l’embryon.

 

Alors que le mari était déjà malade, le couple a suivi un parcours de PMA afin d’accueillir leur second enfant. Or le procédé d’une PMA induit systématiquement la création de plusieurs embryons. Lorsque l’implantation de l’un d’eux réussit, les autres embryons qualifiés de « surnuméraires » sont congelés ou détruits. Pour le couple breton, « il en reste quatre dans un congélateur du CHU de Brest ». Avant de mourir d’une leucémie, l’époux a exprimé dans une lettre son souhait que sa femme « puisse utiliser les embryons » en vue d’une nouvelle naissance.

 

En France, le code de santé publique est très clair : la PMA n’est possible que si les deux parents sont d’accord et vivants. L’opposition à la PMA post mortem a d’ailleurs été réaffirmée par les députés à l’occasion du débat sur le projet de loi bioéthique. « L’idée de fabriquer un enfant avec les gamètes d’un mort relève d’un égoïsme peu supportable. La vie est suffisamment difficile pour ne pas se lancer dans la fabrication d’orphelins ». C’est sur le fondement de cet interdit que le  tribunal administratif de Rennes a refusé la demande de la bretonne de voir transférer ses embryons en Espagne.

 

Pourtant, devant le Conseil d’Etat, son avocat a fait une distinction, que ne semble pas faire la loi française. Dans cette affaire, la demande de transfert ne porte pas sur les gamètes du défunt mais sur les embryons créés alors que le père était encore en vie. Et c’est ce qui fait toute la différence, a précisé l’avocat, « parce qu’un embryon a vocation à naître » (cf. La nature de l’embryon humain au défi des lois et L’embryon humain est-il une personne au regard de la loi ? ). Alors que pour l’avocat de la partie adverse, « ce n’est pas parce qu’un embryon est constitué qu’il a vocation à donner lieu mécaniquement à une naissance ». Les embryons surnuméraires peuvent être donnés à un autre couple en mal d’enfant ou être utilisés comme matériau de recherche.

 

Le Conseil d’Etat doit rendre son avis dans les jours qui viennent et décider ainsi de « l’avenir de ce tout petit dont le père est mort mais qui est déjà là ». Dans cette affaire, il n’est plus question de PMA sans père « mais de statut de l’embryon, et donc d’avortement ». Sauf à « entretenir un relativisme objectivement mensonger », la réponse à la question de savoir si l’embryon est une chose ou un humain ne devrait pas changer au gré « des intentions, des désirs ou des idéologies des uns ou des autres… ».

 

 

Pour aller plus loin :

Embryons congelés : le casse-tête des cliniques, le dilemme des parents

Justice : les embryons congelés, un bien matrimonial voué à la destruction ?

Pr Philippe Menasché : « La recherche sur l’embryon nous renvoie directement à la PMA »

L’avortement ne pourra jamais être un « droit fondamental », ni une « liberté »

 

Valeurs Actuelles, Charlotte d’Ornellas (17/01/2020)

LCI (21/01/2020)

 

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