Prématurité : une étude identifie le rôle des cellules fœtales

Publié le 19 Jan, 2024

Dans une étude publiée dans la revue Science Translational Medicine [1], des chercheurs américains ont étudié le « mystérieux dialogue entre les cellules du fœtus et celles de sa mère » au cours de l’accouchement (cf. Microchimérisme : « Nous nous construisons d’emblée par et avec les autres »). L’objectif étant de découvrir le rôle des cellules fœtales dans le déclenchement du travail et d’identifier de potentiels marqueurs de la prématurité.

Le « séquençage de l’ARN à cellule unique ».

Pour établir le premier atlas complet des voies cellulaires fœto-maternelles impliquées dans le déclenchement du travail, les scientifiques ont étudié 42 placentas récoltés lors d’accouchements et 159 prélèvements sanguins faits chez des femmes ayant accouché de façon prématurée ou à terme. Afin d’identifier les cellules maternelles et fœtales, ils ont utilisé une méthode de séquençage génétique avancée, le « séquençage de l’ARN à cellule unique ». Cette méthode permet d’identifier, dans un échantillon biologique, des populations cellulaires puis de quantifier l’expression des gènes spécifiques à chacune d’entre elles. « Le séquençage ARN à cellule unique présente l’avantage de fournir une analyse approfondie de la diversité cellulaire d’un organe aussi complexe soit-il », développe Claire-Marie Vacher, chercheuse au centre médical de l’université Columbia.

Les chercheurs ont d’abord distingué les groupes cellulaires d’origine exclusivement fœtale, c’est-à-dire les cellules stromales [2], les cellules endothéliales [3] et les cellules trophoblastiques [4] et les groupes d’origine maternelle contenant surtout des cellules de la muqueuse utérine, les cellules déciduales [5].

Le rôle des cellules lors de l’accouchement

Ils y ont découvert une importante proportion de cellules immunitaires [6] produites par le fœtus et la mère. Ces cellules « sont impliquées dans les processus inflammatoires », or, « l’inflammation est un processus naturel crucial lors de l’accouchement » explique Yehezkel Ben-Ari, chercheur à l’Inserm spécialiste des processus de maturation cérébrale. « Elle participe notamment aux contractions utérines, à la dilatation du col de l’utérus ou à prévenir les infections pendant l’accouchement » précise-t-il.

La suite des travaux a permis aux chercheurs d’observer que les membranes environnantes du placenta, dites « chorioamniotiques », « ont un rôle actif lors de la grossesse » comme l’explique Philippe Deruelle, chercheur et professeur d’obstétrique et de gynécologie à la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes. Ces membranes entourent le fœtus et se rompent lors du travail.

Les scientifiques ont également découvert que les cellules stromales, des cellules fœtales, avaient un « rôle clef » dans le déclenchement du travail. En effet, elles contribueraient à une meilleure tolérance du fœtus par l’organisme de la mère en inhibant l’activité des lymphocytes T maternels qui sont chargés d’éliminer les corps étrangers. Ainsi, « par ces interactions complexes, le fœtus échappe aux mécanismes de défense de la mère et peut ainsi se développer sans être perçu comme une menace » explique le Pr Vacher.

Prévenir la prématurité

Mais la principale découverte a été l’identification de potentiels biomarqueurs dans le sang des futures mères du risque d’accouchement prématuré. Les processus inflammatoires y contribuent fortement, or, des prélèvements sanguins permettraient de les détecter et d’identifier certains biomarqueurs prédictifs des accouchements prématurés. Cette hypothèse doit cependant être confirmée par d’autres travaux.

 

[1] Deciphering maternal-fetal cross-talk in the human placenta during parturition using single-cell RNA sequencing, DOI : 10.1126/scitranslmed.adh8335

[2] Les cellules stromales sont impliquées dans la formation des cellules sanguines.

[3] Les cellules endothéliales régulent la perméabilité des vaisseaux sanguins.

[4] Les cellules trophoblastiques approvisionnent le fœtus en nutriments et en oxygène.

[5] Les cellules déciduales fournissent un environnement favorable à l’implantation de l’embryon.

[6] Il existe différents types de cellules immunitaires : les cellules « natural killer », les macrophages, les lymphocytes T, les lymphocytes B, etc.

Source : Le Figaro, Elisa Doré (16/01/2024)

Partager cet article

Synthèses de presse

Lésions cérébrales : les traitements arrêtés trop tôt ?
/ Fin de vie

Lésions cérébrales : les traitements arrêtés trop tôt ?

Certains patients souffrant de lésions cérébrales traumatiques et décédés après l'arrêt des traitements de « maintien en vie » auraient pu se ...
Estonie : condamné pour assistance au suicide
/ Fin de vie

Estonie : condamné pour assistance au suicide

Le tribunal du comté de Tartu, en Estonie, a condamné un homme en raison de ses activités illégales liées à ...
Guérir le VIH avec CRISPR ? Un essai in vivo décevant
/ Génome

Guérir le VIH avec CRISPR ? Un essai in vivo décevant

La tentative d'Excision BioTherapeutics d'utiliser une thérapie génique basée sur l’outil CRISPR pour guérir le VIH ne s’est pas montrée ...

Textes officiels

Fiches Pratiques

Bibliographie

Lettres