COVID-19 : « Nous sommes dépossédées du deuil »

Publié le 30 Avr, 2020

Julie D’Haussy, infirmière de 36 ans, confie au journal La Croix son expérience douloureuse. Quand sa maman contracte le Covid-19, étant donné son historique médical, elle sait que le pronostic vital est engagé. Et se rend à l’hôpital de Martigues avec sa sœur pensant « revoir son visage, une fois qu’elle aura rendu son dernier souffle contagieux ». Arrivées à l’hôpital, le médecin est très clair « sur le fait qu’[elles] ne pourr[aient] pas voir [leur] maman mourante, qu’il faudra attendre son décès ». S’ensuit alors une attente « irréelle ». « Comment attendre la mort de sa mère dans la chambre anonyme d’un hôtel, situé à moins de deux minutes de l’hôpital où elle vit ses dernières minutes ? »

 

Après un passage par le « triage », les deux sœurs sont autorisées à entrer dans l’hôpital. Et après avoir revêtu pyjamas de bloc, surchaussures, charlottes, masques chirurgicaux, surblouse en tissu et gants, elles arrivent dans la chambre où repose leur mère pour lui dire adieu. Puis arrive la douche froide. Un médecin les informe que leur mère « va être descendue dans une housse mortuaire qui sera scellée de manière définitive, sans toilette, sans soin de conservation, dans un des frigos réservés au Covid », et que « les pompes funèbres ouvrent à 13 h 30 ». « Il est 12 h 30. »

 

Au téléphone, les pompes funèbres confirment qu’aucune cérémonie n’est possible. « Pas de possibilité d’assister à la levée du corps, ni à la crémation. » « Ils viendront chercher maman le mardi 14 avril à 9 heures à l’hôpital, la crémation aura lieu à 10 heures ». Une des sœurs « pourra récupérer les cendres le lendemain ». « Nous sommes le 9 avril. Le corps de maman va rester cinq jours dans un frigo de la morgue, et sera incinéré sans présence familiale dans un crématorium », se lamente Julie D’Haussy. « Nous sommes dépossédées du deuil. Notre maman, pour nous si familière, si intime, nous est maintenant littéralement étrangère. Nous ne pouvons rien dire, rien choisir, tout juste bonnes à remplir et signer des autorisations administratives. Dans ce moment de confinement général des émotions, nos larmes, nos mouchoirs et nos nez qui coulent sont des anomalies », témoigne-t-elle.

 

Le lendemain, elles « retourn[ent] à l’hôpital pour récupérer les affaires de [leur] maman dans des sacs Dasri (déchets d’activités de soins à risques infectieux) ». « On nous dit de ne pas les ouvrir pendant dix jours, et de les laisser dans la cave ou sur le balcon » explique-t-elle. Et le 15 avril, Julie D’Haussy reçoit un message de sa sœur accompagné d’une photo : « Voilà où j’ai récupéré les cendres de maman, c’est une honte ». « Sur une table recouverte d’une nappe bleue et sale ; là, au milieu des poubelles, des cendriers vides et des bancs usagés, un homme a posé l’urne revêtue d’un sac rouge vif criant de vulgarité. L’homme est reparti presque sans un mot, laissant les cendres de ma mère dans un local à poubelles, et ma sœur dépitée, consternée et seule. » « Nous avons peut-être oublié, que l’éternité n’attend pas. »

 

 

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La Croix, Julie D’Haussy (29/04/2020)

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