La GPA « engage l’humanité car s’il n’y avait pas d’offre, il n’y aurait pas de demande »

Publié le 14 Nov, 2017

Marie-Anne Frison-Roche, spécialiste du droit de la régulation explique dans une interview au journal La Vie comment et pourquoi elle a été amenée à travailler sur ce sujet. Si le droit économique semble à prime abord éloigné de la GPA, on comprend vite qu’il s’agit « d’un marché colossal qui ne fait que commencer », comme l’explique la juriste :

 

« Les marchés ne sont pas spontanés mais construits par le droit qui désigne quels sont les choses, les valeurs, les services, aptes à être objet de marché. Or, pour le droit, le corps humain n’est pas un objet de marché parce que l’être humain ‘est’ son corps[1]. Les partisans de la GPA veulent renverser ce principe pour lui substituer le principe du désir. Dès l’instant qu’un objet ou une prestation est désiré par l’un et que l’autre consent à le céder ou à le faire, alors la rencontre de ces deux désirs créerait un marché et le droit n’aurait d’autre utilité que d’accompagner cette loi du désir, pour l’organiser et la réguler, mais sans avoir aucune légitimité à y faire obstacle ». Le don, lui « n’est pas l’opposé de l’échange marchand mais son préalable, l’étape qui suit étant la monnaie ».

 

Pour sa part, Marie-Anne Frison-Roche « croit au droit » et non au désir comme principe premier, « et donc au fait que la personne ne peut pas être un objet d’échange sur un marché ».Elle veut défendre « la personne », même si le combat est « difficile ». « C’est une affaire si grave que nous devons faire quelque chose même si les forces à l’œuvre sont extrêmement puissantes », explique-t-elle. «Rien n’est joué », rappelle-t-elle, appelant à une « prise de conscience » face au tableau trop rose dressé par les partisans de la GPA.

 

Elle est cependant lucide : « La GPA n’est que le début de la construction [du marché de l’humain], presque une méthode artisanale au vu de ce que la science peut accomplir et de ce que l’économie peut développer. D’un côté, vous avez des personnes qui disposent d’un bien de valeur : leur corps. De l’autre, des personnes qui désirent soit le corps tout entier, vivant ou mort, soit une partie du corps, soit encore ce qu’est capable de produire ce corps : un ovocyte ou un enfant ». Les intermédiaires peuvent donc s’immiscer entre l’offre et la demande, et attiser le désir pour stimuler la demande. Et pour contourner la dépendance à la matière première, les recherches sont orientées « vers une production artificielle des enfants ». Ces pratiques « engagent l’humanité car s’il n’y avait pas de demande, il n’y aurait pas d’offre », raisonne la juriste. Mais « pour tarir la demande », une prise de conscience est nécessaire, ainsi que l’action des Etats « c’est-à-dire des juges et des politiques, et notre souci d’autrui ».

 

 

[1] Cf. GPA, don d’organes, suicide… Est-ce que mon corps m’appartient ?

La Vie, Olivia Dufour (14/11/2017)

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