Chine : l’incontrôlable déploiement de la sélection embryonnaire

Publié le 16 Août, 2017

En Chine, le diagnostic génétique préimplantatoire (PGD) a été introduit « tardivement », mais sa pratique se répand bien plus vite que partout ailleurs, laissant « les questions épineuses » de côté, et ignorant « le spectre de l’eugénisme ».

 

La technique du PGD est née au Royaume Uni il y a environ trente ans. Elle consiste à prélever une ou plusieurs cellules sur l’embryon issu d’une fécondation in vitro. Ces cellules sont soumises à une analyse génétique et chromosomique. Les embryons porteurs d’ « anomalies » sont détruits, les autres sont implantés ou conservés. Au départ réticente, la Chine a restreint cette pratique aux hôpitaux détenteurs d’une licence particulière. En 2004, quatre centres disposaient d’une telle licence. En 2016, ce nombre était passé à quarante.

 

Les conditions chinoises se sont révélées très favorables pour banaliser le PGD : « les maladies génétiques sont fortement stigmatisées, les personnes handicapées reçoivent peu de soutien et les oppositions religieuses ou éthiques sont  quasiment inexistantes ». En outre, la Chine a abandonné récemment sa politique de l’enfant unique, entraînant une augmentation conséquente des PMA chez des couples « plus âgés ». Son utilisation est aujourd’hui quasi-systématique : « les estimations des principaux fournisseurs de PGD montrent que l’utilisation de la technique en Chine dépasse déjà celle des États-Unis et qu’elle augmente jusqu’à cinq fois plus rapidement ».Ainsi un centre de fertilité à Pékin effectue à ce jour plus de procédures en un an que tous les centres du Royaume-Uni.

 

Des équipes de chercheurs travaillent à « améliorer la technique, accroitre sa sensibilité et réduire son coût ». Lin Lin, généticien à l’Université Shanghai Jiao Tong, a mis en place un « projet ambitieux: définir toutes les mutations dans tous les gènes qui causent des maladies et les regrouper dans une base de données ». À mesure que le lien entre les gènes et les maladies est vérifié, les mutations en cause pourront être ajoutées à la liste que le PGD peut rechercher. La première cible du généticien est la surdité.

 

La publicité transmet une information positive : le PGD « permet d’éviter aux couples de transmettre des mutations génétiques qui pourraient causer une maladie ou un handicap chez leurs enfants ». Pour Qiao Jie, spécialiste de la fertilité, directeur du troisième hôpital de Pékin, le PGD est un moyen pour « stopper la transmission de maladies », plus efficace aujourd’hui que de réparer le génome à l’aide de CRISPR,  ce qui prendra encore « des années » avant d’être au point, estime-t-elle. « Il y a des problèmes éthiques, mais si vous mettez fin à la maladie, je pense que c’est bon pour la société », explique Qiao, balayant rapidement ces problèmes.

 

Sous couvert d’avancée thérapeutique le PGD intensifie la sélection embryonnaire en Chine. Qui l’empêchera demain de sélectionner non plus sur des critères de maladies mais d’intelligence ou de physique ?

Nature, David Cyranoski (16/08/2017)

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