“Le Sénat a signé l’arrêt de mort de la bioéthique à la française”

Publié le 13 Avr, 2011

Dans l’éditorial de l’hebdomadaire La Vie, Jean-Pierre Denis, directeur de la publication, revient sur l’adoption en première lecture au Sénat du projet de loi de bioéthique qui entérine une "révolution […] inattendue, tortueuse, presque vicieuse". Il se demande si elle a été souhaitée et même assumée par les sénateurs qui étaient "peu nombreux à se donner la peine d’être présents" lors des débats.

Des sénateurs ont soutenu que le passage du régime d’interdiction avec dérogations à une autorisation encadrée de la recherche sur l’embryon humain n’impliquait aucun changement. Or, le changement est loin d’être anodin : on passe "du verre à moitié vide au verre à moitié plein, du "non" hypocrite au "oui" gêné". "Quand on croit à la force de la parole, on ne peut méconnaître l’importance des symboles" souligne Jean-Pierre Denis. "Ils disent le sens. Ils font signe". Changer de régime n’est pas qu’un changement symbolique : "En passant de l’interdiction avec dérogation à l’autorisation avec limitation, on inverse en quelque sorte la charge de la preuve. Voilà pourquoi, alors qu’ils manipulaient déjà l’embryon en toute légalité, certains scientifiques se sont donné tant de peine pour faire croire aux sénateurs qu’ils ne pouvaient pas travailler".

Malgré des compromis laborieux, le gouvernement avait observé une certaine prudence en matière de bioéthique, renonçant "aux sirènes de la réforme pour la réforme". Mais, "en troquant la sagesse pour le simplisme, le Sénat a signé l’arrêt de mort de la bioéthique à la française", faite de nuances, réflexions et équilibres fragiles, issus du travail de la conscience et de la délibération démocratique.

Le Sénat décide délibérément que l’embryon n’est plus qu’un simple matériau. Dire qu’un embryon humain est une "personne humaine en devenir" devient ringard "à l’heure de la "transhumanité" promise par les nanotechnologies !" Alors, "simplifions ! Libéralisons !" : c’est au fond le nouveau mot d’ordre du Sénat obéissant à "la pression du laisser-faire […] devenue irrésistible". On ne discerne même plus "au nom de quoi ou de qui se fera l’encadrement promis de la recherche sur l’embryon" humain dès lors que ce dernier est définitivement considéré comme un simple "amas de cellules".

Jean-Pierre Denis observe que les amendements sénatoriaux votés vont "dans le sens du moins-disant éthique" avec, entre autres, la systématisation du dépistage prénatal qui mène à l’élimination quasi-complète des enfants trisomiques à naître et donc à accepter l’eugénisme.

Enfin, "l’argument fatal" consistant à dire que la recherche française ne peut "rester en arrière" des Etats-Unis porte "le faux nez du progrès", qui peut "s’appliquer à tout et permettre toutes les régressions". Renoncer aux lois sociales et baisser les salaires pour demeurer compétitifs s’appelle le "dumping social", le Sénat, lui, propose aujourd’hui une nouvelle variante : le "dumping éthique".

La Vie 14/04/11

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