Vincent Lambert : Une « erreur juridique grave » dans le jugement de la CEDH

Publié le 23 Juin, 2015

La CEDH « a commis dans l’affaire Lambert une erreur juridique grave et manifeste en se référant à contre-sens à sa propre jurisprudence », a révélé hier Grégor Puppinck, docteur en droit et directeur du Centre européen pour le droit et la justice.

 

Pour développer ses raisonnements et justifier ses décisions, la Cour s’appuie « autant sur le texte de la Convention européenne des droits de l’homme que sur sa propre jurisprudence », explique-t-il. Une des affaires auxquelles la Cour s’est référée à l’appui de sa décision d’autoriser l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation artificielles de Vincent Lambert est l’affaire Glass contre le Royaume-Uni (9 mars 2004), citée à cinq reprises.

 

Dans cette affaire, la mère d’un enfant hospitalisé pour troubles respiratoires se plaignait des décisions de l’équipe médicale, prises contre sa volonté, de lui administrer une forte dose de morphine au risque d’entraîner son décès et de ne pas le réanimer en cas de nouvelle crise respiratoire. La mère de l’enfant a saisit la CEDH et celle-ci a conclu unanimement que « la décision des autorités médicales de passer outre, en l’absence d’autorisation par un tribunal, l’objection de la mère au traitement proposé a violé l’article 8 de la Convention ». Ce précédant était un appui pour les parents de Vincent Lambert, qui s’opposent à l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation artificielles dont la vie de leur fils dépend.

 

Mais dans l’arrêt Lambert, la Grande Chambre énonce, de façon erronée, que « dans son arrêt du 9 mars 2004, elle a conclu à la non-violation de l’article 8 de la Convention ». Cette erreur « est située dans le rappel de l’état de la jurisprudence présentant les considérations générales fondant le raisonnement », précise Grégor Puppinck. « Il est impossible de déterminer précisément les implications de cette erreur sur le raisonnement de la Cour » dit-il. Il déplore que « la juridiction européenne la plus élevée, dans une affaire aussi sensible, puisse méconnaître sa propre jurisprudence, introduisant une erreur importante au cœur même de son raisonnement ».

 

« Il s’agit d’une erreur de droit, substantielle », souligne Grégor Puppinck. Le règlement de la CEDH prévoit de « réviser » un arrêt, de rejuger, « en cas de découverte d’un fait nouveau qui aurait pu exercer une influence décisive sur une affaire déjà tranchée et qui, à l’époque de l’arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait être connu d’une partie ». Grégor Puppinck note que « cette erreur de droit n’est pas en soi un fait nouveau » mais qu’elle « peut venir s’ajouter à d’autres faits nouveaux, comme la possibilité nouvelle de Vincent Lambert de s’alimenter naturellement ».

« La procédure de révision semble être la seule voie possible », déclare Grégor Puppinck qui n’« imagine pas qu’une telle erreur puisse demeurer ».

 

« L’Affaire Lambert n’est donc pas close à la CEDH » déclare-t-il avant de conclure : « Cette erreur nous rappelle combien la justice n’est qu’humaine. Et c’est parce que la justice humaine est faillible qu’elle devrait s’abstenir de décider de la vie ou de la mort d’un homme innocent ».

 

Valeurs Actuelles(Grégor Puppinck), 24/06/2015

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